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Plateforme**

Publié le 22 décembre 2014 par Zebralefanzine @zebralefanzine

L’éditeur Les Contrebandiers propose l’adaptation d’un best-seller de Michel Houellebecq, « Plateforme »webzine,zébra,gratuit,fanzine,bd,critique,bande-dessinée,kritik,alain dual,michel houellebecq,plateforme (2002), dessinée par Alain Dual. Le parfum de scandale qui avait contribué au succès de ce roman sociologique s’est un peu éventé entre-temps ; peut-être l’auteur a-t-il rallié à son point de vue désabusé sur le monde une partie de l’opinion ? Les piques contre l’islam et les musulmans, assez banales, presque voltairiennes, qui ont valu à M. Houellebecq des poursuites judiciaires naguère, sont beaucoup moins taboues aujourd’hui ; sous divers prétextes : l’athéisme, la laïcité, le nationalisme, les pamphlets contre l’islam se sont multipliés depuis. Mais, puisque l’écrivain s’apprête à publier un nouveau roman (« Soumission »), on verra bientôt s’il a perdu de sa force provocatrice, dirigée principalement dans « Plateforme » contre l’idéologie bien-pensante de gauche. L’impact de ces provocations venait d’une forme d’humour iconoclaste que l’on retrouve moins dans la bande-dessinée, pourtant supervisée par le romancier (sauf peut-être à propos des artistes contemporains, dont les gadgets saugrenus sont ridiculisés).

Le thème de la sexualité obsède l’écrivain, notamment les difficultés de la sexualité virile de s’épanouir dans la société moderne. Michel, hologramme du romancier, décrit ainsi un conflit entre les sexes s’intensifiant à mesure de la volonté des femmes d’égaler les hommes en termes de carrière et de réussite professionnelles. Houllebecq, ou plutôt son antihéros Michel, ajoute que le tourisme sexuel tire profit de la frustration des jeunes mâles occidentaux. « Le tourisme sexuel est l’avenir de l’humanité.», proclame-t-il. Cet aspect n’avait pas manqué de susciter aussi la controverse, bien que les enquêtes d’opinion ont montré que « Plateforme » a été bien accueilli par le public féminin. Michel déclare à sa nouvelle conquête, ou plutôt à la femme qu’il a séduite involontairement par sa timidité et sa réserve, Valérie, que le développement du tourisme sexuel ne manquera pas de se heurter, en France et aux Etats-Unis, à l’hostilité des féministes ; à quoi celle-ci rétorque que la demande d’activités touristiques sexuelles n’est pas moins grande parmi les femmes.

Le point le plus frappant dans « Plateforme », et qui a bien été conservé dans l’adaptation, c’est le mélange d’observations cyniques et d’un sentimentalisme presque « fleur bleue » dans les propos de Michel, sentimentalisme qui se traduit par la quête idéale de l’âme sœur, de la « princesse charmante » qu’il finit par trouver au tournant de son existence, « dépourvue des traits de caractère qui rendent si difficile d’aimer les femmes et de les faire jouir » (je cite de mémoire), avant qu’un attentat terroriste ne le ramène à son état de célibataire trop lucide pour regarder le monde sans en tirer de l’amertume. Cet effort pour lutter contre les bons sentiments, tout en y cédant, est un peu surprenant. « Plateforme » a un côté roman « Harlequin ».

Les scènes de sexe explicites sont, comme dans le roman, trop nombreuses et superflues ; elles traduisent sans doute le goût de l’auteur pour une sexualité ni trop sadienne, ni trop puritaine (de temps en temps Michel et sa dulcinée convoquent une tierce personne en bonus), par conséquent assez banale. Et si Michel Houllebecq était une femme comme les autres ?

Plateforme, Michel Houellebecq & Alain Dual, Les Contrebandiers, 2014.


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