Magazine Journal intime

23 décembre 1914: Jules est porté disparu.

Publié le 22 décembre 2014 par Christinedb

Je ne sais pas comment Cécile a appris la nouvelle, Robert leur fils reçoit fin décembre la lettre de Clément dont Jules parlait si souvent.

Le 29/12/1914,

Mon cher ami,

Je viens d’écrire ce jour à Madame votre mère pour la préparer à un coup terrible. Je compte sur vous pour m’aider dans cette tâche terrible qui est au dessus de mes forces. Songez donc votre père était un si bon ami ! Ainsi que vous le savez, il avait accepté le commandement d’une compagnie (la 8e). Ces jours derniers une attaque fut décidée à 4h du matin, il était en tête.

N’écoutant que son courage, il fonça sur les lignes adverses : malheureusement, le tir des mitrailleurs ennemies les arrêta, fauchant tout ce qui se trouvait devant elles.

Votre père était là debout criant : la 8ème en avant ! et ils s’avancèrent encore (ceux qui restaient) jusqu’aux tranchées allemandes fortifiées par des réseaux de fil de fer.

Seuls : 1 adjudant et 5 hommes purent ramper jusqu’aux lignes françaises et rejoignirent le surlendemain. Les allemands (il faisait encore nuit) sortirent de leur retranchements et s’emparèrent des blessés.

Toute la journée et la nuit furent employées à faire des recherches… vaines. Les allemands occupaient définitivement cette ligne.

Pardon mon cher ami de vous donner ces détails cruels ; mais il le faut, votre pauvre père m’avait bien recommandé de vous les donner si un malheur arrivait.

Depuis… plus de nouvelles !

Dans la lettre que j’écris à Madame votre Mère, je lui fais entrevoir une blessure…

Sincèrement j’y crois et en ai la ferme conviction. Tout en effet, porte à croire que mon pauvre Jules est blessé et fait prisonnier. Ne vous découragez donc pas et je continue à faire toutes les recherches possibles ; je vous tiendrai au courant. J’ai appris que beaucoup  étaient prisonniers et je crois qu’il est du nombre.

De sa pauvre compagnie, ainsi que je vous l’ai dit, 6 seulement sont revenus.

L’adjudant me dit avoir vu devant  cette redoutable forteresse de fil de fer…. Il n’aurait donc pas été tué… quel bonheur !

Inutile de vous dire le chagrin que j’éprouve ; je pleure nuit et jour après celui que j’aimais tant et qui, surtout depuis la guerre était mon meilleur et seul ami.  J’ai confiance néanmoins et tout me dit que nous le reverrons.

Soyez fier, mon cher Robert, soyez fier de votre père : il s’est conduit en héros ! Tout le corps d’armée l’admire. Il a été d’une bravoure sans égal.

Le colonel le pleure comme si c’était son fils… Il en est fier aussi… lui.

J’ai renvoyé à votre mère les lettres qui lui avaient étés adressées depuis quelques jours, craignant d’être moi-même blessé (je vous retourne votre carte). Ne craigniez pas de m’écrire ; je suis à votre entière disposition. Les effets (cantine et sac) sont en lieu sûr. Encore une fois, je ferai l’impossible pour savoir où il est. Vous pouvez compter sur moi.

Mon cher ami, je vous le répète, ayez confiance. Votre père doit survivre à un acte d’héroïsme aussi superbe.

Mon cher Robert, courage, espoir, Dieu vous le rendra.

H. Clément

Lieutenant 37e Reg D’Infanterie.


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