Magazine Journal intime

La minute blonde : j’en perds la voix

Publié le 27 mai 2008 par Anaïs Valente
Lorsqu’une copine me propose d’aller manger un petit bout en terrasse, j’accepte volontiers, d’autant que le soleil daigne enfin nous faire cadeau de sa présence.
Nous voilà donc confortablement installées sur une terrasse, à l’abri du vent, mais à la merci des insectes zébrés.  Rien n’est jamais parfait en ce bas monde.
On discute, on papote, on bavarde.  De tout, de rien, des hommes, des femmes, des familles, et du boulot.
Je suis intarissable sur le sujet du boulot.  Comme toute femme qui se respecte (si, si, je suis respectable, vous en doutiez ?), je suis dotée d’une langue de vipère… surtout dans le secteur professionnel.
Me voilà partie dans des tirades pas du tout dithyrambiques sur le coût de la vie qui augmente plus vite que les salaires, sur boss chéri qui m’en demande trop, trop souvent, trop vite, sur les inégalités homme-femme en matière de boulot et de salaire, inégalités frappantes dans le secteur oùsque je bosse, sur les collègues qui ne foutent rien, sur les collègues qui bossent tellement qu’ils donne l’impression de lécher les bottes du boss et sur l’intérimaire engagée récemment, qui est si nulle qu’elle me complique la tâche.  
Je suis intarissable sur le sujet.  Normal, je passe le tiers de ma vie au bureau (et le second tiers à dormir, tandis que le troisième tiers est consacré à l’alimentation, les courses, les loisirs, le blog adoré, les amis, la famille, les sorties, le shopping, les bains, les douches, la lecture, la TV, le ciné, les restos, les promenades, la bronzette et la glandouille – cherchez l’erreur).
Nous voilà donc en train de refaire le monde : faut virer les boss, faut virer les collègues, faut bannir à tout jamais les intérimaires, faut hausser les salaires de 20 %, diminuer le plafond des impôts à 30 %.  On est d’accord.  On est toujours d’accord sur de telles réformes.
Notre salade exotique arrive, interrompant notre conversation.  Entre deux bouchées de poulet à l’ananas, nous parvenons tout de même à refaire, encore et toujours, le monde.  Un monde que nous voudrions idéal.
Le temps passe, le ciel s’obscurcit.  La nuit tombe.  La température est clémente.  Une soirée comme je les aime, que nous décidons de terminer en beauté, par une promenade dans les ruelles de Namur, histoire de lécher les vitrines sans risque (une vitrine léchée le soir = impossibilité de pénétrer dans le magasin = désir de revenir le plus vite possible = délai de réflexion = dans 1 % des cas, changement d’avis – 1 % c’est peu, mais c’est déjà pas mal).
Je paie ma salade exotique, je me lève, je fais quelques pas et … qui je vois assis à la table juste derrière la mienne, à l’abri des regards indiscrets par le biais d’une paroi opaque ?  Je vous le donne en mille : boss chéri.  Qui me gratifie d’un sourire et d’un « bonsoir Anaïs » sur un ton où je décèle facilement un gros zeste de moquerie, additionné d’un zeste de colère contenue.
Eskil a entendu ?  Eskil a tout entendu ?  Je vois défiler, en quelques secondes, l’ensemble de la soirée : keske j’ai dit déjà ?  l’ai-je pensé ? l’ai-je dit ? l’ai-je vociféré ?  l’ai-je crié ?  
Pitié, Seigneur, faites qu’il n’ait rien entendu (ou pas trop), je promets de ne plus succomber aux sept péchés capitaux durant les … sept prochains jours.  Merci Seigneur.
bavarde

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