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Plein les bottes

Publié le 26 décembre 2014 par Corboland78

Il faut toujours se méfier des apparences. Quand on lui avait proposé le job, il n’avait pas hésité une seule seconde. D’abord parce que du boulot ce n’était pas ce qui courait le plus les rues en ce moment et ensuite, parce qu’il n’en avait pas cru ses oreilles quand on lui avait exposé le contrat. Contrat qu’il avait lu et relu avant de le signer, car l’affaire semblait trop belle pour être vraie.

Ce n’était pas un job, c’était une rente avait-il pensé. Nourri, logé, blanchi, stipulait le document officiel paraphé par ses soins et rangé soigneusement dans son portefeuille. Une seule contrainte, mais pas si exorbitante que cela, se laisser pousser cheveux et barbe ; flemmard comme il était, ça l’arrangeait plutôt. Il y avait aussi une tenue vestimentaire à respecter, un costume confortable au demeurant, même si esthétiquement parlant il aurait été en peine de dire qu’il le trouvait seyant. Mais c’était une tenue de travail après tout, les garagistes ont des combinaisons cradingues, les bouchers des tabliers pas mieux et les banques regorgent de types en costard étriqués avec cravates serrant le kiki… alors, hein ?

Non, le plus étrange dans cette histoire, c’est qu’il ne devait réellement bosser qu’une journée par an ! A-t-on déjà vu un tel métier ? Une grosse journée avait-on prévenu. Oui, mais « une » seule journée !! Il se sentait largement d’attaque pour affronter le challenge. D’ailleurs, les premières années tout allait pour le mieux. Bien sûr, il fallait être organisé et pas manchot pour respecter les horaires mais après, quand ce fût devenu une routine, sa mine réjouie faisait plaisir à voir et tout le monde sur son passage, comme contaminé par sa bonne humeur, affichait un sourire béat.

Les années ont passé, puis ce furent des décades et maintenant des siècles. L’âge aidant, la fatigue s’est installée. Et puis le monde avait changé. Autrefois, on le recherchait et on l’attendait avec impatience, il était une sorte de vedette. Aujourd’hui, il sent bien que les gens se forcent un peu à l’accueillir, comme un très vieux parent éloigné qu’on fréquente au minimum et parce qu’on ne peut pas faire autrement. Certains l’ignorent complètement, d’autres prétendent qu’il n’existe pas ! Vous voyez où nous en sommes arrivés ?

Le Père Noël en a plein ses bottes, une nouvelle journée de boulot vient de s’achever et il n’est pas sûr d’avoir encore la force nécessaire pour la rééditer l’an prochain. Son patron en est bien conscient aussi mais le job n’intéresse plus personne, aucun postulant ne se déclare malgré les annonces passées dans la presse spécialisée. Il reste encore un an pour y réfléchir et prendre les décisions qui s’imposeront alors. Pour l’heure, le vieux est fatigué, extrêmement fatigué, sa hotte est vide signe du travail accompli, il va s’endormir pour un long, long, repos bien mérité…

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