Luis Mizón | [Derrière la garde-robe]

Publié le 02 janvier 2015 par Angèle Paoli
« Poésie d’un jour


Philippe Hélénon, « Tout est écrit dans le corps »

[DERRIÈRE LA GARDE-ROBE]

I

Derrière la garde-robe il y a une ville
à tiroirs
où personne n’habite
draps oreillers couvertures
dessus dessous
trousseau d’un fantôme
enfermé dans l’armoire
nappes et serviettes en abondance
brodées d’initiales énigmatiques
d’étonnants objets théâtraux

tout est écrit par le corps
sans que la main droite sache
ce que fait la main gauche
le linge immaculé raconte
des histoires cryptées

près de la flamme
les taches deviennent visibles
on voit la trace de la machinerie
les effets spéciaux

la scène sombre du balcon
les aveux des amoureux
les hésitations des comédiens
les soupirs des jeunes poètes
les traces de l’amour et de la haine

l’oubli n’a rien effacé

je respire dans les draps
un parfum de falaise
je vois les vagues se briser
dans les criques et les anses muettes

je caresse en toute liberté
la peau sensuelle de l’oubli
ses secrets dégagent
une odeur de mousse
grotte
lumière et vide

les mystères des genoux
le coin de la chambre où le soleil
cache ses bijoux

le soleil

je respire la nudité de l’oubli

son odeur monte à mes narines
et
il
m’est
délectable

le linge danse à la fenêtre
l’armoire danse avec le vent

j’écrase sur le mur
le minuscule corps du délit
où se cache le temps

Luis Mizón, Corps du délit où se cache le temps, Éditions Æncrages & Co, Collection « voix de chants », 2014, s.f. Dessins de Philippe Hélénon.




LUIS  MIZÓN

Source

■ Luis Mizón
sur Terres de femmes

L’exil
La Maison du souffle
→ Un troupeau de vaguelettes

■ Voir | écouter aussi ▼

→ (dans la poéthèque du site du Printemps des poètes) une fiche bio-bibliographique sur Luis Mizón
→ (sur le site de France Culture) Luis Mizón dans Ça rime à quoi de Sophie Nauleau (émission du 23 novembre 2014)
→ (sur le site des éditions Æncrages & Co) la fiche de l’éditeur sur Corps du délit où se cache le temps de Luis Mizón
→ (sur Images de la poésie) une lecture de Corps du délit où se cache le temps, par Laurent Albarracin



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