Stella aussi est Charlie

Publié le 09 janvier 2015 par Stella

Mes biens cher-e-s lectrices et lecteurs, ami-e-s lointain-e-s ou proches, connu-e-s ou inconnu-e-s, parfois miraculeusement retrouvé-e-s au long de l'existence de ce blog, je vous remercie pour votre intérêt envers mes petites histoires, votre fidélité et toute la chaleur humaine que vous me témoignez. Merci pour vos voeux, j'en ferai bon usage. A mon tour, je vous souhaite - je nous souhaite - une belle année 2015 mais hélas, elle commence sous le signe de la tragédie.

Je n'étais qu'une lectrice occasionnelle de Charlie Hebdo. J'ai chez moi le numéro fameux sur les caricatures et il m'arrivait - rarement, je le reconnais - de m'intéresser à l'un ou l'autre titre de Une... Peu importe. Adolescente, j'ai découvert le Grand Duduche, que j'aimais beaucoup. Il me faisait rire. C'était un garçon, mais j'avais l'impression d'avoir vécu certaines de ses situations. Puis j'ai découvert Cavanna, dont j'ai lu les livres avec passion. Puis j'ai travaillé pour le Professeur Choron. Eh oui...

Bref. Mais même s'il n'y avait pas ces "liens", je serais choquée, scandalisée, meurtrie de ce qui s'est passé mercredi chez Charlie Hebdo. Depuis cette Australie où je suis encore pour à peine quelques heures, je ne peux m'empêcher d'interrompre le fil de mon récit d'aventure. Je m'interroge : que se passe-t-il dans la tête de l'homme qui saisit un fusil d'assaut, prend une voiture, sonne à une porte, monte les étages, entre dans une salle de rédaction et mitraille tout le monde "pour venger le prophète" et qui achève sans ciller un policier à terre ? De quoi parle-t-il ? Comment en est-il arrivé à ce raisonnement, cette décision ? Comment a-t-il pu la mettre à exécution et quel bénéfice personnel en retire-t-il ? Où est la foi, là-dedans ? Comment se place-t-il par rapport à ce Dieu dont il crie le nom, dont il se revendique ?

Je viens de lire La Promesse de l'aube, de Romain Gary, qui manquait cruellement à ma culture. Il y parle de Totoche, le dieu de la bêtise et de Filoche, celui de la médiocrité, du mépris et de la haine, et aussi de Merzavka, dieu des vérités absolues : "celui-là est notre plus vieux seigneur et maître ; il y a si longtemps qu’il préside à notre destin, qu’il est devenu riche et honoré ; chaque fois qu’il tue, torture et opprime au nom des vérités absolues, religieuses, politiques ou morales, la moitié de l’humanité lui lèche les bottes avec attendrissement ; cela l’amuse énormément, car il sait bien que les vérités absolues n’existent pas, qu’elles ne sont qu’un moyen de nous réduire à la servitude." Je crois bien que ces trois-là se sont rassemblés pour le pire, ce mercredi.

Je suis une très petite journaliste, dans un magazine presque inconnu et peu vendu en France mais j'ai une carte de presse, j'appartiens à une profession qui me tient à coeur. Ma plume a toujours été libre, quelle qu'ait été la rédaction dans laquelle j'ai travaillé. Cela ne m'a pas valu que des amis, mais tant pis. La liberté d'expression est une chose importante et précieuse, je la défends avec acharnement, partout et toujours et en Afrique, où je travaille essentiellement, elle est bien souvent malmenée et je n'ai jamais manqué une occasion de le dénoncer. Au passage, sachez que jamais, dans aucun pays africain, il ne s'est déroulé un acte aussi odieux. Pas même au Nigeria sous la dictature militaire.

Voilà pourquoi moi aussi, "je suis Charlie".