Soumission, Michel Houellebecq

Publié le 10 janvier 2015 par Rolandbosquet

      On a beaucoup parlé du dernier roman de Michel Houellebecq, "Soumission". Si le personnage est controversé, l’auteur est largement reconnu tant en France qu’à l’étranger. Avec un sens aigu de la provocation, il poursuit, après "Les Particules élémentaires", "La Possibilité d’une île" et "La Carte et le Territoire", ses questionnements sur notre civilisation occidentale et son avenir. Sa dernière hypothèse, l’arrivée d’un pouvoir islamique aux plus hauts sommets de l’État français, n’a pas manqué pas de soulever les passions tant notre société peut se révéler solide sur ses bases judéo-chrétiennes et désormais laïques mais particulièrement fragile face aux défis du monde et notamment face à l’islam. Et d’autant plus fragile que s’agite, en toile de fond, la peste noire de l’islamisme, objet des craintes les plus justifiées. Le roman de Michel Houellebecq n’attaque ni ne défend cet islamisme. Il tente simplement de montrer que par l’aveuglement et la passivité, sinon même la complicité d’une bien-pensance intellectuelle généralisée, il n’est pas impossible que se concrétise le scénario qu’il imagine. Avec pour conséquences une régression des libertés et une intolérance accrue. On aura beau jeu de reprocher à l’auteur des situations politiques abracadabrantesques et des facilités d’écriture. On aura beau jeu de le jeter sommairement aux gémonies en l’accusant de tout et de son contraire. On aura beau jeu d’incriminer le principe même de la démocratie qui permettrait de tels errements. Ce serait oublier que la démocratie ne vaut jamais que ce l’on en fait. Si elle ne peut se construire et vivre que par la tolérance et le respect de l’autre, elle n’en impose pas moins l’honnêteté à chacun. Et vendre son âme pour un plat de lentilles ne donne certainement pas le droit de faire reproche à qui que ce soit et moins encore à ceux qui refusent avec raison de céder la moindre parcelle de liberté. "Soumission" est d’abord et avant tout un roman et tout y est donc réputé faux. Même si, pour certains lecteurs ou commentateurs, ce "faux" présente parfois les apparences du vraisemblable. Mais faut-il rappeler que la fiction permet bien souvent d’appréhender la réalité avec plus de pertinence que ne le pourront jamais tous les rapports et les essais réunis et qu’elle peut, comme telle, nous éclairer sur notre présent et notre futur ? En tout état de cause, faisons le vœu, il en est encore temps, que les débats surmontent l’émotion et se révèlent plus élevés que ceux qui ont entouré certains témoignages ou essais à succès qui ont défrayé la chronique l’an passé et dans lesquels les apparences du vrai pouvaient masquer parfois, souvent, la nature des intentions. Il est à craindre, hélas, que l’actualité ne les repoussent, une fois encore, aux calendes grecques. Parce que rien n’est plus difficile que de se remettre en question. Même, et peut-être surtout, face aux échecs les plus cuisants et les plus douloureux. ("Soumission", Michel Houellebecq, Éditions Flammarion)

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