Des milliers de gens ordinaires.

Publié le 12 janvier 2015 par Rolandbosquet

      Du fond de ma vallée perdue au cœur des Monts, j’ai vu des milliers de gens ordinaires défiler, dimanche, dans nombre de villes du Pays. Pas de slogans vengeurs et tonitruants pour réclamer plus, pour réclamer moins, pour garder un avantage acquis ou en conquérir un nouveau. Pas de course effrénée pour remplir un cabas, acquérir le dernier gadget, s’emparer de la dernière breloque. Seulement un pas lent et recueilli pour dire non à la violence et à la barbarie. Pour défendre la Liberté. La liberté de dessiner, de parler, de penser, de croire ou de ne pas croire à quelque dieu que ce soit. La liberté de vivre pour tous et pour chacun, sans ostracisme et sans exclusion. Sauf, bien sûr, pour ceux qui ne partagent pas cette exigence et veulent imposer leurs idées par la violence et la barbarie. Sauf pour ceux-là qui, ignares ou incultes sans doute ou influencés par les vents mauvais des obscurantismes de tous ordres, expriment des opinions xénophobes et racistes. Car la liberté est sans concessions même si la nature humaine, elle, n’est pas sans défauts. Et la marche sera encore longue avant que la liberté ne soit tout à fait libre. D’ici là, ce serait bien d’y accoler les notions d’empathie, de tolérance, de partage et de fraternité. D’ici là, ce serait bien d’y ajouter des valeurs de pardon, d’indulgence et de bonté. D’ailleurs, quel sens aurait-elle, cette grande espérance, sans ces petites réalités accrochées à ses basques ? Du fond de mon courtil, j’ai vu à la télévision des milliers de gens ordinaires défiler à pas lents et recueillis vers cette destination extraordinaire. Mais j’ai vu aussi nombre images officielles dégoulinantes de récupération et mon côté rabat-joie n’a pu que m’inciter à m’interroger. Quelle une auraient dessiné les Charb, Cabu, Honoré, Wolinski et les autres devant cette unanimité obligatoire ? Quelle chronique aux accents anars aurait griffonnée François Cavana en brossant sa moustache ? Quelle incongruité de mauvais goût aurait proférée le Professeur Choron avant de rajuster son mégot dans son fume-cigarette ? "Ah les cons !" se serait sans doute esclaffé Delfeil de Ton en recalant ses lunettes sur son front dégarni au milieu du grand éclat de rire concluant la réunion de la rédaction. Alors pour me sentir malgré tout au milieu des manifestants, j’ai remplacé les exposés oiseux et convenus des commentateurs par la neuvième symphonie de Beethoven interprétée par le Philarmonique de Berlin sous la direction d’Herbert Von Karajan. Mon chat César lui-même a paru ravi de mon choix.

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