La main tendue

Publié le 22 janvier 2015 par Corboland78

Encore un quêteur ai-je pensé en apercevant cette main tendue en travers de mon chemin. Mais quel endroit inapproprié pour espérer grappiller quelques piécettes, me suis-je dis en un second temps. Un autostoppeur n’aurait pas eu beaucoup plus de chance, même moins pour être précis, puisque nous étions dans une zone du parc interdite aux voitures.

Une possibilité crédible, quelqu’un de ma connaissance me faisant un signe amical de la main, un bonjour sympathique. Sauf, que même avec ma vue basse, la silhouette ne m’était pas du tout familière et pour être tout à fait franc, elle m’inquiétait un peu par sa maigreur véritablement anormale. Heureusement que nous étions en plein jour, sinon j’aurais filé sans demander mon reste !

Plus je me rapprochais de cette main en plein sur mon trajet, moins je lui trouvais un aspect engageant. La signalisation pour les randonneurs est faite de traits de couleurs sur les troncs d’arbres, néanmoins cette main semblait indiquer une route à suivre ou quelque curiosité à observer hors de mon champ de vision.

Instinctivement je ralentissais mon pas et plus je m’approchais, moins j’avançais vite. Une main jaillie d’un taillis maigre n’est jamais un augure favorable, quand cette main s’avère orpheline du reste du corps auquel on la pense très attachée, ne serait-ce que par habitude, on hésite entre grimace horrifiée, cri contenu et yeux écarquillés. Quoiqu’on puisse très bien faire les trois en même temps, me dis-je in petto, preuve que la terreur ne m’avait pas encore gagné de façon irréversible.

Les derniers mètres mirent un terme au fatigant galop de mon imagination. Cette main n’en était pas une, au mieux c’était son enveloppe, en vérité il s’agissait d’un gant, perdu, ramassé et exposé pour qu’on le retrouve, que la paire se reforme. Ma damnée imagination m’avait encore joué un tour, mais c’est aussi le propre de l’imagination, faire des petits instants de ma vie de grandioses aventures en pantoufles.