J'étais le moins prédisposé à dire du bien de cette BD sur le rugby : en effet, d'après mon expérience ce sport exige une discipline militaire ennuyeuse et une bonne dose de masochisme. Le sentimentalisme du rugbyman ordinaire, son culte de la boisson et des femmes, rendent la 3e mi-temps pire que tout le reste de la partie.
J'ai déjà vu des types qui, après avoir fracassé trois mâchoires, démis deux épaules et brisé un nez avec le sentiment du devoir accompli, s'empressaient une fois le match terminé d'envoyer des SMS à leur fiancée, échauffés par ces préliminaires. En un mot, le rugby est un sport républicain. Ces
Celui-ci parvient à tirer de ce sport séquentiel une ode au rugby. Son personnage d'ailier, commis aux débordements de la ligne adverse, voyage aux quatre coins du monde, jouant dans la réserve de clubs argentin, brésilien, africain, espagnol, australien, irlandais... pour la beauté du geste. Le temps de l'exaltation physique est celui de la jeunesse, d'une sensation de liberté pour les hommes, en dépit des codes et règles de ce sport, auxquels la tactique confère un peu de magie. Peu d'hommes savent s'accommoder de la vieillesse - la plupart sont nostalgiques de leur apogée physique. Le Landais Harambat, outre les stades et les vestiaires, les bars, fréquente aussi les librairies, ce qui ajoute un peu de vernis à ses muscles, de douceur à sa poésie inspirée des contacts homosexuels rugueux du rugby. Peut-être aussi, qui sait, un peu de fadeur, car le rugby n'est jamais qu'un ersatz de la guerre, une manière d'assouvir la violence pendant la trêve, aussi légalement que possible.
Le trait de croquiste, sec et nerveux, à la manière de Beuville, est pour beaucoup dans cette poésie ; la couleur d'imprimerie un peu lourde, sans doute superflue.
En même temps que la jeunesse, Jean Harambat, Actes-Sud BD, 2011.