
Cette chronique a été effectuée dans le cadre de l'opération Masse Critique de Babelio.
La terre a été dévastée par le "Coup de Sang", un phénomène inexplicable qui a rendu la planète complètement folle. Plus qu'un dérèglement climatique global rendant la planète pratiquement invivable, c'est toute l'humanité qui s'effondre.Sur ce monde en perdition, quelques groupes tentent de survivre.Dans Animal'z, nous rencontrions Lester, Ana, Kim et Owles, dérivant sur une mer folle.Dans Julia et Roem, Lawrence, Julia et Roem rejouaient involontairement la tragédie de Shakespeare au bord d'une route interminable.
Deux premiers tomes intrigants, qui ne sont pas exempts de défauts mais qui ont suffisamment d'attraits pour me donner envie de m'attaquer à ce dernier épisode.

Si vous ne voulez pas en savoir plus avant d'avoir lu vous-même ce livre, c'est le moment de vous éloigner.Et sur cette trilogie des éléments, il tombe dans une forme de candeur new age qui m'a vraiment stupéfait venant d'Enki Bilal. Et je dois avouer que l'orientation choisie par l'auteur m'a laissé complètement froid. Bilal nous explique ce qu'est le Coup de Sang.Il s'agit d'une reconfiguration de la Terre par elle-même.L'Hypothèse Gaïa, la Terre comme entité vivante qui décide de se défendre et de repartir sur des bases saines.Un peu comme si la Terre exsudait toutes les toxines de sa surface pour les engloutir littéralement par la bouche des volcans, comme on se débarrasse de la poussière sous le tapis.Les survivants voient leur mémoire leur être enlevée, les laissant comme de simples feuilles blanches. Ils sont alors transportés dans des lieux de rassemblement où, débarrassés du superflu (en gros, à poil), ils peuvent s'associer librement.Les bons sauvages, nus et innocents qui vont recommencer à vivre dans un nouvel Eden conçu par Gaïa.

D'un côté, je dois reconnaître la cohérence de la démarche. Bilal sait où il va et construit son récit en conséquence.L'allégorie occupe une place importante dans son récit.Dans chaque tome, on assiste à une forme "d'évaporation" de la pensée humaine, des tueurs qui multiplient les citations dans le premier tome, des personnages se trouvant prisonnier d'une représentation inconsciente de Roméo et Juliette jusqu'aux jumelles qui débitent Bergson sans pouvoir s'en empêcher. c'est comme si l'Humanité perdait sa mémoire collective avant que chaque personnage ne finisse par perdre à son tour sa propre mémoire.Le grand effacement, avec la disparition du libre arbitre.L'homme ramené à une simple enveloppe.La Terre, débarrassée de ses scories, reprend littéralement des couleurs.Les baleines volent dans le ciel.

C'est poétique.Visuellement, Enki Bilal réalise de beaux albums, très épurés dans leur graphisme. Le trait est plus charbonneux et la mise en couleur, qui privilégie des dégradés ternes pour traduire la décomposition de ce monde. Bilal excelle dans les ambiances apocalyptiques.

