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Le Billet Amer #8

Publié le 29 janvier 2015 par Observatoiredumensonge

Ce qui ne veut pas dire que nous approuvons.

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  Le Billet Amer #8  

Par L’Aigre Doux

Le Front de Gauche triomphe aux élections législatives anticipées. François Hollande, troisième président de cohabitation, nomme Jean-Luc Mélanchon Premier Ministre. Le nouveau chef du gouvernement qui a loupé la majorité absolue de quelques sièges, fait alliance avec « Debout la République » de Nicolas Dupont-Aignan sur la base d’un programme de sortie de l’euro. Ce scénario de politique –fiction transpose, trait pour trait, à notre pays ce qui est train de se passer en Grèce.

Syriza, le parti d’extrême gauche d’Alexis Tsipras, après sa large mais insuffisante victoire, vient de s’entendre avec avec le Mouvement des Grecs indépendants, formation de droite, souverainiste et anti-européenne pour mener les destinées d’un pays sinistré depuis plusieurs années. On comprend mieux les trémolos d’émotion et l’excitation fébrile de Melanchon, président du Front de Gauche, commentant sur les plateaux de télévision les résultats du scrutin grec. Des fois que la contagion se propage…

Les militants et les électeurs de ce parti improvisé, qui surfe depuis des mois sur l’impopularité des mesures d’austérité imposées par l’Europe à la Grèce, ont fêté dignement l’événement dans les rues d’Athènes. Et ils ont eu bien raison de le faire car l’euphorie va vite retomber. L’autonomie du nouveau Premier Ministre dans la gestion des affaires nationales est proche du zéro absolu. Alexis Tsipras a été élu par le peuple souverain en lui racontant un beau conte de fées. Le réveil va être brutal. Le charme envoûtant de la démocratie, dans ce pays qui l’a vu naître, a joué à plein. Les promesses, irréalistes et irréalisables, généreusement dispensées au cours de la campagne électorale s’apparentent étonnamment aux inoubliables anaphores du « Moi Président » qui plombent durablement François Hollande – hors contexte terroriste- aux yeux des Français.

Dans les jours qui viennent, le nouveau Premier Ministre grec va s’attacher à mettre en sourdine ses proclamations guerrières contre l’Europe et va très posément se rendre à la table des négociations pour essayer de desserrer un peu le nœud qui étrangle son pays. Il pourra se targuer de la moindre concession de la Troïka, si souvent vilipendée dans ses discours, pour essayer de faire croire à ses électeurs qu’il ne les a pas trahis. Pour lui, comme pour François Hollande, très vite l’ennemi ne sera plus la finance. Très vite, il devra aller à Canossa, Bruxelles en l’occurrence, afin de boucler le budget du pays totalement dépendant des financements européens. Après avoir été un opportuniste tribun populiste, il deviendra peut-être alors un véritable homme d’Etat. Sinon…les Grecs ont véritablement du souci à se faire pour la suite des événements.

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Jeudi, à l’initiative du Haut-Commissaire, le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, pas le démissionnaire qui expédie les affaires courantes, mais l’autre, qui ne peut siéger faute de président élu, se réunira une énième fois pour tenter de résoudre l’équation insoluble posée par la situation de blocage qui perdure depuis plus d’un mois. Séance sans illusion, sans doute uniquement décidée pour faire suite à la réponse imprudente de la Ministre des Outre-mer, Mme Pau-Langevin à la question que lui posait le député Philippe Gomès à l’Assemblée Nationale. « Le gouvernement serait obligé de prendre les initiatives qui s’imposent», avait-elle proclamé, ce qui dans le contexte institutionnel et politique du territoire ne revêt aucune signification concrète.

En effet, qui peut imaginer que, pour sortir de la crise, le Président de la République procédera par décret pris en Conseil des Ministres à une dissolution des institutions installées depuis moins d’un an, alors que les provinces fonctionnent normalement ainsi que le Congrès et même cet Exécutif boiteux qui peut intervenir sur les questions d’urgence et celles qui ne le sont pas.

Le risque politique encouru est disproportionné par rapport à ce qui n’est encore pour l’heure qu’une gêne fonctionnelle : relancer la guerre au couteau que se livrent dans la province Nord les frères ennemis indépendantistes, Palika-Uni et Union Calédonienne, pour la conquête de l’institution, serait hautement irresponsable. Réactiver, en province Sud, les divisions entre les forces loyalistes morcelées n’assurerait pas la garantie de l’émergence d’une nouvelle majorité unie. Selon toute vraisemblance, au vu de ces considérations, il ne se passera rien au cours de cette réunion formelle. A moins que…

Quelle tentation en effet pour les indépendantistes de se présenter, face à une opinion publique fatiguée des querelles partisanes et inquiète pour son avenir, comme des dirigeants responsables, soucieux d’assurer la bonne marche des institutions. Le plan proposé par Roch Wamytan pour résoudre la crise gouvernementale laisse filtrer cette possibilité, les élus UC et Palika pouvant faire élire celui des deux candidats loyalistes qui répondrait le mieux aux conditions qu’il a exposées dans son interview. Un positionnement raisonnable et apaisant qui leur octroierait le beau rôle, les rendrait maitres du jeu et leur permettrait de faire coup double en affaiblissant politiquement par la même occasion, le Président élu encombré d’une légitimité sujette à caution vis-à-vis de son électorat. Avec en prime, ce qui n’est pas négligeable, l’assurance du redoublement de la guerre intestine dans le camp non-indépendantiste.

Un scénario digne de la IV° République…

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Le discours de la méthode…Ce texte emblématique de la philosophie de René Descartes établissant les droits et pouvoirs de la raison devrait inspirer l’ensemble de la classe politique dans la recherche de cette solution de sortie de l’Accord de Nouméa dont on peine, trois ans seulement avant l’échéance, à discerner le sens. C’est sans doute ce souci qu’a voulu exprimer le Haut-Commissaire de la République Vincent Bouvier dans l’interview des « Nouvelles Calédoniennes » en suggérant l’importance de s’appuyer sur la bonne méthode. Cette recommandation n’aura d’intérêt qu’à la condition de la soumettre, à l’instar du philosophe, à la raison. Or aujourd’hui, c’est surtout la passion qui prédomine dès que l’on aborde, d’une côté comme de l’autre, le sujet. Seulement des slogans, « Calédonie dans la France »  ou «  Kanany », certes repères politiques indispensables mais bien trop insuffisants ou radicaux pour convenir à l’ensemble du monde politique et rassurer la population dans ses diverses composantes.

On ne peut en effet discuter valablement de la fin- l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie- si l’on n’a pas au préalable passé en revue les moyens que le Haut-Commissaire cite, entre autres, dans sa déclaration : « les compétences régaliennes et quelles conséquences, un statut international et quelles conséquences…le nickel ». Nul ne pourra faire l’économie de ce passage obligé qui permettra aux uns et aux autres de prendre la juste mesure des responsabilités suprêmes qu’ils devront assumer par leur choix vis-à-vis des Calédoniens. Une démarche qui conduira nécessairement les partis en présence à la conclusion commune- le consensus ?-que la politique du tout ou rien ne règle rien et peut tout compromettre.

Encore une fois, ce référendum d’autodétermination dont on connait le résultat ne constituera qu’un indicateur dans le temps n’ayant nullement vocation à graver dans le marbre un statu quo inébranlable. Il faudra donc organiser institutionnellement, politiquement, économiquement « l’après », chacun étant libre de poursuivre son action en faveur de la voie d’avenir qui lui parait la mieux convenir au bonheur des Calédoniens.

Rien ne sert de courir si l’on doit se retrouver la tête dans le mur.

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L’Union nationale, c’était prévisible, n’aura pas fait long feu. A l’émotion est venue se substituer la réalité abrupte d’un combat politique impitoyable dans la perspective de 2017, encore attisé par les sondages qui ont replacé François Hollande dans le coup, du moins pour un temps.

Certains s’en féliciteront au nom de la remise en marche du processus démocratique de confrontation des idées. D’autres auraient préféré, face au danger qui menace également « ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n’y croyaient pas », que ce consensus perdure. On aurait pu rêver, mais ça n’est pas une attitude très politique, d’un gouvernement d’union nationale, comme il en existe en temps de guerre et nous y sommes. Une telle opportunité aurait rendu plus crédible la fibre répressive d’un gouvernement et d’une majorité qui ont passé leur temps et pas seulement depuis qu’ils sont revenus aux affaires, à nier les réalités d’un péril qu’ils se disent aujourd’hui déterminés à combattre.

Il est vrai que cette volonté affirmée avec force par Manuel Valls perd beaucoup de son crédit à l’annonce des mesures envisagées pour endiguer la marée djihadiste qui enfle dans nos banlieues. Les enseignants, au contact direct, ont été à la fois surpris et effrayés d’en constater la violence et la profondeur à travers les comportements des jeunes élèves qui traduisent l’état d’esprit de leurs familles. Opposer à cette vague puissante de ressentiment qui confine souvent à la haine de la France et des Français, l’enseignement des valeurs de la République, liberté, égalité, fraternité, auquel on n’ose presque plus ajouter laïcité, démontre que nos dirigeants sont toujours en retard d’une bataille. A ce titre, l’apartheid dénoncé par le Premier Ministre, constitue la première marche vers l’excuse et la repentance ancrées au coeur de la sensibilité socialiste.

La France a certes la capacité de répondre aux coups qu’on lui porte et l’action exemplaire des forces de l’ordre l’a amplement démontré au cours de ces tragiques événements. Elle n’est plus à même de les empêcher puisque les pouvoirs publics ne contrôlent plus les zones où se créent les bataillons de fous d’Allah, prêts à passer à l’action.

Et puis maintenir, dans le contexte actuel, Christiane Taubira à la Justice et Najat Vadaud-Belkacem à l’Enseignement, aurait correspondu, toutes proportions gardées, à nommer en 1914 Jean Jaurès Ministre de la Guerre.

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La réunion le 22 janvier du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie initiée par le Haut-Commissaire n’a, comme prévu, rien apporté de concret à la crise institutionnelle qui perdure depuis plus d’un mois. Les affaires courantes continuent à être expédiées par l’ancienne équipe, toujours présidée par Cynthia Ligeard, en attendant un hypothétique dénouement. La rupture du CGS (Contrat de Gouvernance Solidaire) rend aléatoire toute possibilité d’accord entre les trois partis loyalistes qui avaient péniblement réussi à constituer une majorité au lendemain des élections provinciales. La solution, et c’est un paradoxe de plus dans nos inimitables spécificités calédoniennes, ne peut venir que des indépendantistes seuls en mesure de trancher le dilemme et de faire Président l’un des deux candidats, Cynthia Ligeard, la présidente sortante (Rassemblement-UMP-FPU) ou Philippe Germain (Calédonie Ensemble), engagés dans cette lice fratricide.

Si bien que l’actualité politique est toute entière suspendue aux décisions du congrès du FLNKS qui se tiendra le 7 février prochain. Y aura-t-il un accord entre ses différentes tendances pour entériner cette position jusque -là seulement défendue par les représentants de l’Union Calédonienne ? Quelles seront les conditions d’un tel ralliement à l’une ou l’autre des candidatures que Roch Wamytan a esquissées dans une récente interview ? Quelle sera la part dans le choix final, du ressentiment personnel exprimé par plusieurs responsables indépendantistes au Congrès suite aux propos tenus par Philippe Gomés, président de Calédonie Ensemble, à leur encontre?

Sur plusieurs dossiers essentiels- politique minière, modification de la composition des commissions   électorales, rejet d’un troisième accord- les indépendantistes et Calédonie Ensemble ne sont pas loin de défendre les mêmes positions. Nul doute que le pragmatisme de la démarche indépendantiste prendra le pas sur les considérations personnelles et passionnelles. L’option qui serait alors arrêtée en faveur de Philippe Germain pourrait se justifier par une pirouette mettant en avant le respect de la volonté démocratique des électeurs qui ont placé Calédonie Ensemble en tête du scrutin provincial.

Quoiqu’il en soit, par leurs divisions, les loyalistes ont fourni aux indépendantistes l’opportunité de se donner le beau rôle d’élus responsables, capables de dépasser leur positionnement politique et leurs affrontements internes afin de permettre le fonctionnement normal et régulier des institutions. Rien ne dit cependant qu’ils seront de leur côté en mesure de se hisser à la hauteur du challenge, les divergences anciennes entre UC et Palika semblant rédhibitoires.

Alors ? Match nul, la balle au centre…

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L’Aigre Doux

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*** Attention ce texte est une TRIBUNE LIBRE qui n’engage que son auteur ***

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