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Ceux qui corrigent le tir

Publié le 30 janvier 2015 par Jlk

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Celui qui affirme que Michel Houellebecq est le plus grand écrivain français vivant / Celle qui compare L’Homme qui rit de Victor Hugo et Soumission de Michel Houellebecq avant de s’interroger sur la dérive du concept de grand écrivain / Ceux qui infèrent du succès mondial de Houellebecq pour en conclure que c’est du Marc Levy pour intellos mal barrés / Celui qui pense que le problème de peau de Michel Houellebecq en dit plus long que ses déclarations sur Sat1 la chaîne allemande non cryptée / Celle qui voit bel et bien une vision dans les vues de Soumission / Ceux qui concluant que ce roman « fait débat » en inviteront l’auteur ce soir même sur leur plateau en prime time et Jessica tu lui poses les questions-qui-dérangent / Celui qui ayant lu et apprécié Houellebecq économiste de Bernard Maris voit un peu mieux les apports critiques et poético-existentiels de cette œuvre autant que ses limites / Celle qui trouve les propos de Houellebecq sur la peinture un peu philistins sur les bords / Ceux qui savent  que Léon Bloy était mille fois plus intéressant et génial (et siphonné mystique) que ce qu’en dit le protagoniste de Soumission / Celui qui voit en Houellebecq un « homme du ressentiment » tel que l’a décrit Friedrich Nietzsche le philosophe allemand traité de « vieille pétasse » par le protagoniste de Soumission / Celle qui se demande à quoi correspond le goût vestimentaire réellement« à chier » de l’auteur de Plateforme / Ceux qui ont connu Houellebecq à l’époque où on disait qu’il se branlait trente fois par jour mais ce devait être une légende urbaine qu’il avait lui-même répandue va savoir / Celui qui réflexion faite estime insuffisante l’observation de Jacques Julliard (dans l’hebdo Marianne) selon quoi Soumission pointerait la tendance« collabo » des lettrés français /Celle qui a toujours trouvé que l’expression d’auteur-culte relevait de l’imbécillité publicitaire et médiatique /Ceux qui préfèrent les qualités de l’homme aux défauts de l’écrivain ou inversement selon l’humeur / Celui qui lit attentivement Ultima necat le journal intime de Philippe Muray qui avait lui aussi des qualités de lucidité (bonne lecture de René Girard) mais ne parvint jamais (son tourment) à incarner ses idées-force dans un roman qui tînt la route / Celle qui a toujours considéré avec ironie le culte voué à certains auteurs plus ou moins maudits et autres joueurs de tennis plus ou moins vernis / Ceux qui sont tout à fait capables de lire Houellebecq et Quignard et Camus (Albert, pas Renaud le médiocre à gants jaunes) ou Muray ou Küng (dont le rejet ternit la mémoire de Jean Paul II) ou Kamel Daoud (Meursault contre-enquête) ou Abdelwahab Meddeb (Contre-prêches), avec la même attention non exclusive et anti-dogmatique, et donc Peter Sloterdijk (Tu dois changer ta vie) et ThéodoreMonod (Révérence à la vie) aussi bien que Les misérables de Victor Hugo (les pages sublimes sur les petites nonnes cloîtrées et l’adoration perpétuelle des sœurs du Petit-Picpus) et les approches critiques d’Hugo (et de Hans Küng) par Henri Guillemin ou Berezina de Sylvain Tesson ou Marquises de Blaise Hofmann – et là c’est reparti pour Ne me quitte pas, etc.   

(Cette liste, établie en marge de la lecture de Meursault contre-enquête de Kamel Daoud, se veut un plaidoyer pour une pratique panoptique poético-critique de la lecture)  

Image: Philip Seelen


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