Mon cher Victor,
Lundi matin, donc, je suis de service à 9h, pour surveiller l'arrivée des élèves au grand portail. La petite Eléonore, CE2 de son état, avec
ses petites couettes, son petit cartable, ses petites fossettes, vient me dire bonjour, toute pimpante, et me raconte que oh maîtresse, dimanche pour la fête des mamans on a été à la crêperie
et c'était trop bien, et j'ai mangé une galette complète et et et... Tout à coup elle s'arrête et me dévisage comme si elle me voyait pour la première fois :
- Et vous Maîtresse, vous avez eu quoi pour la fête des mères ?
Je m'y attendais, à celle-là...
- Je n'ai pas d'enfants.
- Ah bon ?
- Eh oui...
- C'est vrai ?
- Puisque je te le dis...
- Mais comment ça se fait ?
- Eh bien... Je n'en ai pas encore, c'est tout.
- Vous n'avez pas d'amoureux ?
J'ai fini par m'énerver en disant que c'était trop personnel et la gamine est repartie en traînant son cartable comme s'il pesait dix tonnes,
voire quinze. Au revoir l'air pimpant ! On ne voyait plus ses petites fossettes parce qu'elle ne souriait plus. Bon, bien sûr, elle n'est pas responsable mais bon... Pourquoi faut-il que
souvent que les enfants, avec toute leur innocence, appuient là où cela fait mal ?