Michel Houellebecq dans Soumission : « Les études universitaires dans le domaine des lettres ne conduisent comme on sait à peu près à rien, sinon pour les étudiants les plus doués à une carrière d’enseignement universiraire dans le domaine des lettres – on a en somme la situation plutôt cocasse d’un système n’ayant d’autre objectif que sa propre reproduction, assorti d’un taux d’échec supérieur à 95%. »
Ce qu’on pourrait prendre pour du cynisme. Mais je suis ravi, émargeant au « déchet supérieur » recyclé dans la catégorie des chroniqueurs littéraires bénéficiant du service de presse des livres de Michel Houellebecq, sauf ce dernier payé 22 euros (ce sera le double en francs suisses) de relever encore ceci de pas mal vu : « Une jeune fille postulant à un emploi de vendeuse chez Céline ou chez Hermès devra naturellement, et en tout premier lieu, soigner sa présentation ; mais une licence ou un mastère de lettres modernes peuvent constituer un atout secondaire garantissant à l’employeur, à défaut de compétences utilisables, une certaine agilité intellectuelle laissant présager la possibilité d’une évolution de carrière – la littérature, en outre, étant depuis toujours assortie d’une connotation positive dans le domaine de l’industrie du luxe. »
Sur la lancée, on salue la réussite de l’écrivain-gigolo François-Marie Banier ajoutant, à la fortune colossale de Madame Loréal, le prestige du « poète »…
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Dans sa Vie de Samuel Belet, Ramuz a ressaisi un élément fondamental des rapports liant (ou distinguant) les Suisses romands des Français ou plus exactement des Parisiens, qu’on pourrait dire la défiance envers le trop beau parler et la rhétorique. Ainsi du mouvement de recul de Samuel, sympathisant naturel du peuple et des communards, quand il entend ceux-là se griser de trop belles paroles et se dire que « cela n’est pas pour nous », ou quelque chose dans ce goût-là – il faudra que je retrouve la page…
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« En somme tu ne t’es jamais intéressé à l’argent », me disait l’autre jour Don Ramon, affirmant qu’au contraire l’argent avait beaucoup compté pour lui, dans la vie, ce que je n’aurais pas l’idée de lui reprocher le moins du monde vu qu’il ne s’agit aucunement, dans son cas, de rapacité ou de profit acquis sur le dos des autres, mais du travail d’un constructeur et de ses investissements légitimes.
En ce qui me concerne, je suis beaucoup trop indolent, en ces matières-là du moins - ambition, plan de carrière et tutti quanti – pour m’en soucier. Lorsque je vivais seul, ma négligence absolue dans ce domaine m’avait valu une fantastique collection de Commandements de Payer et d’Avis de Saisie, dont certains portaient sur des sommes à deux zéros.Travaillant autant, en free lance pendant une première douzaine d’années, qu’un journaliste encarté, je gagnais le tiers d’un salaire ordinaire et m’en suis bien porté avant de rencontrer en 1982, en la personne de ma bonne amie, un ministre des Finances plus scrupuleux. Depuis lors, Lady L. s’est occupée de tout et conduit même notre calèche pour me laisser nous lire des poèmes et autres polars à haute voix…
À maintes reprises, Don Ramon est revenu à la charge en s’impatientant de me voir écrire enfin un best-seller, mais là encore il est tombé sur un os. Et pourquoi donc ? Qu’aurais-je à fiche de me donner cette peine ? Tu me vois aligner des poncifs à la Marc Musso ou à la Guillaume Levy, qui font juste leur job comme je fais le mien ? Alors lui de me balancer Joël Dicker, qu’il a lu d’une traite tout en reconnaissant que ce n’est pas de la grande littérature selon lui, comparable aux deux Garcia, Marquez et Lorca. Quant à moi je défends La vérité selon Harry Quebert, que j’ai d’ailleurs lu avant tout le monde sur tapuscrit au temps où Bernard de Fallois prenait ses avis, et me réjouis de la success story de l’auteur, auquel je souhaite de faire aussi bien sinon mieux la prochaine fois malgré le poids de l’argent et de la célébrité. Mais être riche : quelle barbe et surtout quelles complications, même avec Lady L. s’occupant de tout...
À Carcassonne, ce mardi 13 janvier. – Une fois de plus, le faux médiéval plaqué sur le vrai vieux bourg muraillé de Carcassonne me fait grimacer, comme toute forme de kitsch. Mais le pire n’est pas là, vu qu’il y a encore là-haut une petite place charmante avec trois terrasses et une fontaine à l’effigie de je ne sais quel poète local , où l’on nous sert du vrai café : le pire est plutôt, bien vu par Houellebecq, dans la disparition des bistrots et autres zincs de province partout ailleurs où tout devient Logis Rural classé et musée de la Sympathique Charrue sacrifiée à la mondialisation.
Regarder la télé à Carcassonne, « lieu cathare » forcément « magique », c’est aussi apprendre que Nabilla Benattia, célébrité d’un quart d’heure jetée au trou en novembre dernier pour tentative d’homicide volontaire (enfin quelque chose de vrai dans sa pauvre vie…) cumulait plus d’un million de followers sur Twitter avant sa disgrâce, « plus que François Hollande » - et c’est ainsi, comme aurait conclu Alexandre Vialatte, qu’Allah est grand.
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Les cent premières pages de Soumission ne sont pas, me semble-t-il, du meilleur Houellebecq. L’auteur a l’air aussi flagada que son protagoniste, qui peine à faire passer sa passion du « généreux » Huysmans ; et les autres personnages sonnent un peu creux, à peine esquissés (tel le thésard spécialiste de Léon Bloy) ou (les femmes) manquant de chair. Mais on me dit sur Facebook que « ça décolle » dès la page 101, donc on s’accroche.
À Valence, ce mercredi 14 janvier.– Entre la tonitruante autoroute du Sud et un agreste ruisseau, le Novotel de cette dernière étape de notre retour ressemble à ses homologues de Montpellier et de Toulouse, avec la même déco sobre chic et les mêmes prix cassés hors saison, le tiers d’une nuit dans un **** de haute Engadine. Moi qui ai toujours froid dans les cubes de glace à l’américaine genre Hilton ou Sheraton, je souscris au choix de Dulcinée surtout soucieuse du confort de Snoopy, et puis une nuit par-ci, par-là dans une crèche stéréotypée (partout le même tableau minimaliste genre sous-conceptuel en litho de série) n’est pas vraiment le martyre pour peu que la connexion fonctionne et que le breakfast soit aussi fastueux que le prétend la pub de la Chaîne. N’empêche : le faux luxe, pas plus que le vrai d’ailleurs, ne me feront jamais oublier le vrai confort bohème des hôtels sans étoiles du Quartier latin ou de Greenwich Village, de Cortone en Toscane ou de Séville en Andalousie…
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Au temps de Cohn-Bendit, ils furent tous priés de se sentir juifs allemands, puis vint le temps d’être tous Américains contre Ben Laden, et les voici tous CHARLIE, donc tous à genoux devant l’Unique à dégaine juste un peu différente selon le cas : avec ou sans papillotes, barbe ou tonsure, laïcité brandie ou fils-de-marie, et caetera.
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Kamel Daoud dans L’Obs de cette semaine : «Comment devient-on djihadiste ? Comment cet enfant avec lequel je jouais a-t-il pu tomber dans l’intégrisme ? J’en connais. J’ai vu des proches, des amis, des parents basculer. Qui finance ? Qui propage ces idées ? En Algérie, on reçoit par satellite 30 chaînes francophones et plus de 1200 chaînes religieuses financées par l’Arabie saoudite, les pays du Golfe,l’Iran, le Liban. Des chaînes qui visent prioritairement les mères des zones rurales, celles qui accouchent et élèvent les générations futures. On inonde de propagande les écoles. Alors qu’un roman coûte 6 ou 7 euros, les livres religieux se vendent à peine quelques centimes. Voilà qui donne du sens à mon combat. On le voit, c’est avant tout un combat d’idées et donc de livres, un combat de crayons. Il faut écrire et faire des livres ».