Ce qui ne veut pas dire que nous approuvons.
Immobilisme et copinage
Par Hervé Azoulay
Chômage : remède pour les nuls.
Pourquoi la France a-t-elle tant de chômeurs et est si en retard sur l’innovation de rupture ?
Dressons le constat :
Notre culture étatiste a favorisé les grands groupes industriels pour la plupart publics, tels l’industrie automobile, le transport aérien, l’énergie ou les banques en parachutant à leur tête de nombreux dirigeants sortis de l’ENA et des Grands corps de l’Etat. Cela a développé un effort public de recherche trop centré sur des grands projets technologiques, c’est-à-dire intenses en recherche : spatial, aéronautique, nucléaire, numérique et pas assez sur des secteurs traditionnels.
Un des drames de la France c’est qu’on met n’importe qui, même supérieurement brillant, à n’importe quel poste qu’il n’est pas forcément capable d’assumer ! Un dirigeant issu des X-MINES, très connu, a fait quatre métiers en dix ans et probablement aucun de bien. Un sauteur en hauteur bien affiné dans sa discipline ne peut pas lancer le poids, il pourrait le faire, mais mal. On ne peut pas s’improviser dirigeant de toutes sortes d’activités. Notre pays doté de ressources et de compétences, paye aujourd’hui au prix fort son attachement à l’interventionnisme public.
Il faut savoir que les deux grandes innovations majeures de rupture ont été françaises : le micro-ordinateur et Internet. Du fait de l’incompréhension des mécanismes de l’innovation de rupture et du copinage, nos institutions ont fait expatrier les deux plus belles innovations vers les Etats-Unis ! Aurions-nous autant de chômage si ces projets avaient été développés en France avec toutes les grappes d’innovations qui en ont découlé ? Comment peut-on être assez naïf pour penser que des structures pyramidales d’un autre âge, remplies de bureaucrates de l’ENA, élevées au biberon de l’Etat et couvées sous son aile protectrice, vont favoriser des innovations de ruptures !
Depuis 44 ans, date de création de l’ANVAR ancêtre de OSEO, l’innovation française régresse année après année pour sombrer au fin fond des classements mondiaux. Personne ne comprend pourquoi, malgré un budget consacré à l’innovation qui explose (450 millions en 2007, 800 millions en 2008, plus de 1 milliard d’euros ensuite), les entreprises innovantes sont de moins en moins nombreuses, les faillites s’accélèrent, le chômage explose, l’innovation française régresse de plus en plus et la France se trouve en queue de peloton.
En France, quand une structure n’est pas efficace on la regroupe avec d’autres pour en faire un mammouth ! Citons par exemple la BPI (Banque Publique d’Investissement) créée pour sauver nos PME, qui regroupe en fusionnant entre eux, OSEO, le Fonds Stratégique de Développement et la CDC Entreprises (Caisse des Dépôts et Consignations). Encore un paquebot ingouvernable de l’Etat ! Dans cette structure on trouve sur ses 13 membres du conseil d’administration 11 Enarques ! Quelle farce pour l’innovation Française ! Il faut espérer qu’avec les luttes de pouvoir, la folie des grandeurs et l’absence de diversité des dirigeants, la BPI ne ressemblera pas au Crédit Lyonnais de l’époque qui a englouti des milliards d’euros payés par le contribuable français. C’est la même chose pour le pôle emploi : en fusionnant l’ANPE et les ASSEDIC, on peut se poser la question de savoir à quoi sert ce pôle quand les offres d’emplois ne représentent en moyenne que 250.000 postes pour 5,5 millions de chômeurs toutes catégories ? Dans tous les cas il restera toujours plus de 5 millions de chômeurs ! La formation ne résoudra pas en totalité le chômage non plus, on peut le comprendre : former les gens à quels emplois puisqu’il n’y a pas d’emploi ? Seule l’innovation de rupture peut créer de nouveaux emplois.
Voici un exemple concret qui illustre parfaitement l’immobilisme, le copinage, l’incompétence des pouvoirs publics et des banques dans le financement de l’innovation.
David LOURY, jeune ingénieur des Mines passionné d’aéronautique, après être parti faire ses armes avec la NASA, rentre en France pour créer son entreprise : COBALT. Fort de son énergie et de ses idées, il crée un avion d’affaires léger révolutionnaire aujourd’hui connu à travers le monde : le Co50 Valkyrie. Après des années de sollicitations et de dossiers auprès des organismes publics, où l’entrepreneur prend tous les risques, le financement ne s’effectue que grâce aux réseaux de Business Angels. Pourquoi? Tout simplement parce que le dossier de demande d’aide retombait toujours à la Direction Générale de l’Aviation Civile octroyant les certifications, où le fait d’être juge et partie ne pose manifestement pas de problème et où le corporatisme est malheureusement dévastateur.
Le projet présenté, les responsables concluent comme fin de non recevoir, que le créateur est trop jeune et manque d’expérience pour construire des avions. Son défaut en vérité, était de se concentrer sur son produit plutôt que de louvoyer pour se faire introniser dans la caste. Il a préféré la compétence au copinage ! Les pressions deviennent alors insupportables pour Cobalt qui décide de s’installer en Californie. L’avion présenté au salon d’Oshkosh aux USA il y a trois ans, y a reçu un incroyable succès, avec près d’un millier de prospects ! Les Canadiens ont fait un accueil enthousiaste au projet, et ont fait un pont d’or à la société afin qu’elle s’installe au Canada. A ce jour, la société est parfaitement implantée à Saguenay et poursuit son programme de tests, plusieurs centaines d’emplois seront créés à terme. Nous pourrions citer des dizaines d’exemples de ce type où l’interventionnisme des structures publiques a fait fuir des petites entreprises très innovantes hors de France. Quant aux banques, elles ne prêtent qu’aux riches, ne prennent aucun risque et surtout méconnaissent l’innovation majeure !
Remède : favoriser le bon sens
Pourquoi ne pas s’inspirer du modèle US qui fonctionne bien : le Small Business Investment Act qui a donné naissance aux sociétés issues du Subchapter S et aux C corporation. Les Subchapter S sont devenues le véhicule essentiel de création d’entreprises car elles permettent de transférer les pertes courantes dans la phase de création aux actionnaires, qui peuvent déduire ces pertes de leurs revenus et faire participer l’Etat à ces pertes via la réduction de leur impôt sur le revenu. Voilà tout l’intérêt ! Dès que l’entreprise devient profitable, elle change son statut fiscal de S en C ce qui lui permet alors de grossir en accumulant ses bénéfices, après paiement de l’IS (Impôt sur les Sociétés). Il faut ajouter le SBIC (Small Business Investment Companies) qui permet, par ailleurs, à des organismes de financement à capitaux privés, d’investir dans des créations d’entreprises, d’emprunter jusqu’à trois fois leurs capitaux avec la garantie de l’Etat. Mais en cas de perte, ce sont les capitaux privés qui partent les premiers avant de faire appel à la garantie.
Plusieurs milliers de SBIC ont été créés et ont offert aux porteurs de projets une grande diversité de sources de financement. Le programme SBIC est à l’origine de l’ordre de 15% des créations d’entreprises, le reste étant financé par les Business Angels. De nos jours il faut être courageux pour être Business Angel français et prendre seul tous les risques pour essayer de relancer notre économie, sachant que l’Etat ne les remercie qu’en les taxant lourdement dès qu’ils réalisent une plus-value sur la revente des parts d’une société dans laquelle ils ont investi. Par contre, l’Etat se moque bien qu’ils perdent tout leur investissement dans une entreprise innovante qui, malheureusement, échouerait. Nous savons que l’innovation dépend de beaucoup de facteurs aléatoires et risqués : le bon timing, la concurrence, mais aussi une part de chance et de réussite qu’il faut savoir provoquer.
A titre d’exemple un Business Angel français qui va investir dans 10 sociétés innovantes françaises, basées en France, se retrouvera en moyenne avec 6 entreprises qui ne passeront pas le cap des 5 ans, 2 s’équilibreront et il restera une pépite dont la plus-value devrait permettre de rémunérer le Business Angel pour la prise de risque, déduction faite des pertes sur les six premières entreprises innovantes ayant disparu. Aujourd’hui fiscalement on en est très loin, les gains étant massivement fiscalisés et les pertes minimisées. La solution serait de laisser la prise de risque plus en amont aux Business Angels et de reprendre le système qui fonctionne bien aux USA et dans d’autres pays moteurs dans l’innovation de rupture !
Supprimons également le frein à l’innovation : l’ENA et les grands Corps de l’Etat. Ces écoles verrouillent depuis plusieurs décennies toutes les innovations majeures en pratiquant la pensée unique dans un terreau franco-français. L’Etat doit également supprimer son monopole sur le financement de l’innovation sans jamais s’immiscer dans le choix de ces innovations. Autant dans certains domaines régaliens l’Etat doit impérativement être présent, autant dans l’innovation, dès que l’Etat s’en mêle, c’est la catastrophe !
Hervé Azoulay
Hervé AZOULAY a été dirigeant dans de grands groupes internationaux, co-fondateur de plusieurs entreprises innovantes, Business Angel, fondateur d’un des premiers réseaux de Business Angels en France, Président d’un fonds d’investissement, intervenant dans de grandes écoles et à l’université en France et à l’étranger, auteur de nombreux ouvrages et de tribunes dans la Presse.
*** Attention ce texte est une TRIBUNE LIBRE qui n’engage que son auteur ***
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