Celui qui a pris conscience à dix ans – l’âge de raison selon les Anciens – qu’il était lui-même et pas un autre en vertu de quoi il a allumé son premier cigare / Celle qui a compris à sept ans qu’une kalache était trop lourde pour elle / Ceux qui ont pris conscience le 11 janvier qu’ils étaient nombreux à ressentir la même chose sans avoir à préciser quoi / Celui qui affirme son identité citoyenne contre tout ce qui ne lui ressemble pas - voilà / Celle qui se demande comment vivre ensemble et avec qui d’autre dans ce quartier où tout le monde est personne / Ceux qui ne vivent ensemble qu’entre eux sur présentation de la fiche de salaire du mois dernier / Celui qui n’ose pas dire qu’il est croyant sur le plateau de télé où tout le monde en rirait vu qu'on est tous libérés à mort / Celle qui dit « il en faut » chaque fois que sa cousine Marine lui dit qu’il y a un nouveau Noir à l’Académie française ou un Prix Nobel issu des banlieues / Ceux qui ont pris conscience de la chose le 11 janvier et ensuite il y eut le carnaval de Binche / Celle qui se dit victime mais jamais bourreau des coeurs alors qu'il y a des témoins / Ceux qui n’ont aucune conscience donc pas de problème s’ils assurent au panier de la Bourse / Celui qui n’a rien dans le cœur ainsi que l’a montré le scanner préludant à l’opération hélas soldée par un échec / Celle qui annonce son départ des Batignolles pour Israël où la France est plus sûre à ce qu’on dit à la télé / Ceux qui se lancent leurs vieux démons à la gueule pendant que la ravissante Aïcha, Syrienne de seize ans, balance à son ami Facebook Maveric, dix-sept ans, la sentence du Coran La ikrâha fî Dîn, à savoir qu’il n’y a pas de contrainte en religion vu que le seul maître est intérieur, à quoi le jeune homme répond en russe Jentchina maya ty mnie mnoga podoba et autres citations du Cantique des cantiques prouvant que rien n’est perdu quand on a pris conscience de la valeur non négociable de la vie, etc.