Point par pouce : On n’aurait jamais osé imaginer, il y a à peine vingt ans, qu’on pourrait en arriver à ce qu’un jour, les écrivains et les graphistes se flinguent les yeux comme de vulgaires « tv-addicts » : c’est pourtant ce qui est arrivé avec la marche forcée vers la généralisation de l’outil informatique. Ainsi, moi qui vous parle, qui écris jusqu’à six pages par jour et utilise Internet pour diffuser mes dessins, je dois ressembler de façon assez frappante à un geek décérébré qui se râpe la cervelle sur ses jeux en ligne ou, pire, à un nerd qui ne connait de la vie que ses pannes d’ordinateur. Je n’arrive pas à imaginer les professionnels de l’informatique, peut-être à tort, autrement que comme des abrutis pâles comme des yaourts nature et irrémédiablement aigris à force d’être passés à côté de la vie : j’en viens donc à me demander si, pour se venger de ceux qui ne sont pas comme eux et dont ils sont jaloux, ils n’ont pas comploté pour faire en sorte que tout le monde soit obligé d’avoir un ordinateur et connaisse ainsi les mêmes galères qu’eux ! C’est ce que j’imagine chaque fois que mon scanner me salope un dessin : je peux m’être fait chier à faire un bel aplat noir bien propre, bien net et bien lisse, môssieur verra TOUJOURS douze milliards de nuances là où l’œil humain n’en voit qu’une, ce qui fait qu’à l’heure où je devrais normalement me laisser aller à la satisfaction du travail accompli, je m’abîme les mirettes sur des logiciels de traitement d’image pour essayer de sauver ce qui peut être sauvé ! Comment voulez-vous que je ne sois pas convaincu que les informaticiens aient une dent contre les artistes ?
Mise au point : On est abreuvé au quotidien de conseils d’experts censés conduire au bien-être : vu le nombre de gens stressés et dépressifs qu’il y a aujourd’hui, on est en droit de se demander si ces conseils sont écoutés voire même s’ils sont seulement efficaces ! Un exemple : Charles Pépin dit fréquemment qu’en se laissant à aller à l’agacement provoqué par une mésaventure quelconque, on ajoute un mal supplémentaire au mal que constitue déjà en tant que telle ladite mésaventure, un peu comme quand on se gratte après avoir été piqué par un moustique : je suis assez d’accord, mais force est de constater qu’il est assez difficile de ne pas céder spontanément à cette tentation. Pour ma part, à chaque contrariété, une foule de souvenirs désagréables me traversent l’esprit sans que ma volonté y soit pour grand’ chose : peut-être faut-il y voir la manifestation d’un mécanisme psychique que la psychologie serait plus à même d’étudier que la philosophie ; je ne prétends pas que mon incapacité chronique à faire face à l’imprévu n’y soit pour rien.
Point sur le « i » : Est-ce que je suis nostalgique de l’époque où la France était une grande puissance ? Non, monsieur, je ne suis pas du tout nostalgique de ce temps où des peuples entiers étaient colonisés, bafoués et réduits à l’esclavage au nom du peuple français et donc en mon nom à moi aussi ! Je ne suis pas du tout nostalgique du temps où la France était perpétuellement en guerre contre ses voisins ! Parce que ce passé glorieux que vous pleurez à chaudes larmes, ce n’était que guerre, colonialisme et obscurantisme ! Les patriotes sont des cons, je suis fier de ne pas être des leurs et d’être citoyen du monde ! Jamais je ne me laisserai aller à la fierté imbécile d’appartenir à un peuple ! Les seuls qui pourraient être fiers d’être français, ce sont les immigrés qui ont dû batailler dur pour obtenir leur naturalisation, affrontant pour cela les barrages d’une administration kafkaïenne et les lazzis des gens du cru ! Je n’ai qu’une mère, c’est ma maman chérie qui m’a donné le sein quand j’étais bébé, et elle ne s’appelle pas « La patrie » ! Non mais !
Point critique : Un matin, je cherche sur le Web une vidéo de Brigitte Bardot jeune (dans quel but ? Ça ne vous regarde pas) et je tombe sur une vidéo où « B.B. » déclare son affection pour Marine Le Pen. Ensuite, je me laisse aller à visionner un extrait du « Bébête show » publié sur la toile (que celui à qui ça n’est jamais arrive à me jette la première pierre) et je tombe sur un commentaire dû à un militant FN prenant le prétexte des vœux de la nouvelle année pour dérouler tous les slogans infâmes de son non moins infâme parti (« patriotes », « UMPS », etc) : le coming out facho de Jean Roucas n’y est sûrement pas pour rien. Enfin, je visionne une vidéo où le regretté Cavanna explique que, contrairement à ce qu’on peut croire, on a beaucoup progressé, depuis 1970, au niveau de la liberté d’expression en France et je découvre un commentaire contredisant le grand homme en prenant pour exemple la « censure » dont Dieudonné fait l’objet… Même mes moments de loisirs, ils me les pourrissent, ces racailles fascistes ! Je hais les haineux !
Mauvais point : Nicolas Sirkis, c’est tout de même l’interprète de « College boy », cette chanson qui a si joliment vengé tous ceux qui, comme moi, ont vécu les pires années de leur vie au collège et qui sont toujours hantés par le rejet, le mépris et le harcèlement dont ils furent les victimes ; rien que pour ça, j’avais donc décidé d’être indulgent envers sa reprise d’ « Hexagone », même si elle était objectivement sans intérêt. En revanche, je n’aurais pas la même bienveillance envers « Marche à l’ombre » interprété par Emmanuelle Seigner (depuis quand elle est chanteuse, madame Polanski ?) qui m’a donné des envies de meurtre ! Il y a des lois qui protègent le paysage, je m’étonne qu’il n’y ait pas aussi des lois qui protègent notre environnement auditif contre des saloperies pareilles ! Pour revenir à « Marche à l’ombre », je préfère de loin la version de mon amie Audrey dans le spectacle « Putain de Renaud » qui tourne dans le Finistère ! Et je ne dis pas ça parce que je fais partie de l’asso qui produit le spectacle !
Bon point : Pour finir sur une touche positive : hier, à la biscuiterie-bar La Trinitaine, au port de commerce de Brest, Francis Dupas a interprété son répertoire, comptant aussi bien des compositions personnelles (et touchantes) que des reprises de Jacques Brel, Francis Cabrel ou Eddy Mitchell, devant un public hétéroclite mais ravi et avec la participation exceptionnelle d’un vieux copain qui donne le tempo avec des cuillères, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Encore mille bravos, Francis, mais à l’avenir, évite juste de reprendre « Love me tender », cette ballade est chiante à mourir. Enfin, c’est mon avis personnel, sans ça, tout est parfait, et je ne peux qu’encourager l’achat de l’album « Ce que la vie me donne ». Un point, c’est tout.