Bienvenue chez les Ch'tis (Ta gueule, Biloute!)

Publié le 29 mai 2008 par Corcky


Des fois, y'a des trucs qui m'énervent.
Pas seulement quand mon chat gerbe cyniquement et en toute connaissance de cause sur mon tapis à cent euros qui est devenu une sorte de moumoute dégueulasse et putride, ni quand le gouvernement que 53% d'abrutis ont contribué à installer au pouvoir m'annonce avec le sourire de l'embaumeur professionnel qu'il va nous la mettre bien profond et qu'en plus, on va aimer ça.
Pas seulement quand des corporatistes de merde me pourrissent ma journée sous prétexte de défendre deux ou trois petits privilèges qui leur permettent de continuer à partir en vacances au camping des Flots Bleus (moi aussi, j'ai parfois fait la grève, couillon, mais en assurant mon boulot malgré tout, parce que si j'avais arrêté de soigner ta mère pendant vingt-quatre heures, tu l'aurais eu mauvaise, elle aurait sans doute claqué, t'aurais moyennement apprécié sauf si tu bavais sur l'héritage).
Des fois, ce sont des petits riens qui me mettent en boule.
Des trucs entendus ici ou là.
Des trucs que tout le monde, ou presque, reprend à son compte, comme si l'inconscient collectif fonctionnait à plein régime dans une sorte de grand n'importe quoi orgiaque et psychotique (la phrase ne veut rien dire, je voulais placer "orgiaque" et j'ai réussi).
Tiens, l'autre jour, ça discutait du dernier Festival de Connes de Cannes autour d'un café pourri payé trente-cinq centimes à la machine.
Et tout le monde de s'extasier sur la Palme d'Or attribuée à un film français tourné dans un lycée parisien, avec de vrais morceaux d'élèves défavorisés dedans.
Moi, j'ai fermé ma gueule, n'ayant pas vu le film.
Les autres non plus, ils l'avaient pas vu.
Ce qui ne les empêchait pas de se prendre pour des critiques professionnels encartés par Télérama et les Inrockuptibles (qui, eux, sont dithyrambiques au sujet du fameux film, ce qui n'augure pas forcément du meilleur, mais passons).
En vrac, j'ai entendu "excellente critique sociale", "une plongée au coeur du problème", "une baffe dans la gueule tellement c'est vrai", "enfin la vérité sur la jeunesse d'aujourd'hui", je t'en passe et des meilleures.
Pour un film qu'on n'a même pas encore visionné, avoue que c'est pas mal.
Surtout que tu retrouves exactement les mêmes mots dans toute la presse depuis dimanche.
Puisque tout le monde en parle, et qu'en plus tout le monde encense, y'a pas à tortiller, c'est forcément génial, attention chef d'oeuvre.
Moi, comme je te le disais, je l'ai pas vu, alors j'ai rien à dire sur le film.
Ni sur le bouquin, que je n'ai pas lu.
Ni même sur l'auteur du bouquin, qui était prof dans une vie antérieure et qui, depuis un moment, fait à peu près tous les prime du PAF, est devenu chroniqueur télé, collaborateur des magazines les plus hype du moment et acteur de cinéma, devenant pour l'Education Nationale ce que Gérard Miller est à la psychanalyse depuis qu'il suce péniblement chez Ruquier.
Non, moi, ce qui me hérisse le poil et me durcit la canine, c'est ce mouvement un peu bovin, ce réflexe bien installé, presque pavlovien, qui pousse les gens à se prononcer absolument sur tout, tout le temps, sans même savoir de quoi ils parlent, pourvu que l'opinion générale aille dans le même sens.
Si Telerama me dit qu'un film est génial, alors c'est qu'il l'est, je peux le crier sur tous les toits, limite ça me dispense d'aller le voir (et si je le vois et que c'est de la merde, je me garderai bien de le dire tout haut de peur de passer pour un con).
Si Le Monde Diplomatique m'assure qu'Hugo Chavez est l'héritier de Che Guevara, un grand démocrate et un honnête homme, alors c'est que c'est vrai, et ça me dispense d'aller creuser un peu plus loin pour entendre d'autres sons de cloches (qui, de toute façon, viennent de salopards fachos colonialistes, c'est le journaliste qui me l'a dit).
Si Jean-Marie Bigard fait marrer cent mille trous du cul au Stade de France, c'est forcément qu'il est quand même drôle, et le fameux lâcher de salopes n'est pas si con, en fin de compte.
Si Jean-Pierre Pernault me dit que la délinquance est fortement en hausse, uniquement dans les cités et surtout à cause des Noirs et des Arabes, qu'en plus ma concierge me le confirme, et que tout le monde en remet une couche au déjeuner dominical chez tata Jacqueline, c'est donc que Le Pen n'avait pas tout à fait tort.
Si Machin-Bidule gagne la finale d'une émission de télé-réalité musicale et qu'Universal lui signe un contrat, c'est forcément un p'tit jeune sacrément doué, prometteur en diable (pas du tout un 
arriviste putassier en diable et cloné sur ses prédécesseurs, attention), et je vais m'empresser d'acheter son premier album (et si je l'écoute pas, c'est pas grave, au moins il sera bien visible sur l'étagère du salon).
Ah ouais, et puis tant qu'on y est, j'en ai un peu plein le cul qu'on me ressorte toutes les deux minutes la recette du "poulet tatin", et surtout qu'on s'étonne que je ne sois pas encore allée voir Bienvenue chez les Ch'tis.
- Putain mais tu l'as pas vu???
- Quatorze millions d'entrées, bon sang, fonce, c'est d'la balle!
- Je te comprends pas, enfin! TOUT LE MONDE a aimé ce film!
Mais putain de bordel de merde, c'est pas une question de l'aimer ou pas, c'est juste que j'ai pas envie!
Comment dire?
Ça ne me dit rien, je ne suis pas tentée, c'est pas dans mes projets, ça me titille pas les ovaires, je ne cours pas après, t'en veux encore?
Dany Boon ne m'a jamais fait  rire, voilà, je reste de marbre face à ses mimiques simiesques, c'est plus fort que moi.
Et c'est pas parce que quatorze millions de Français l'ont vu que ça doit forcément me pousser à payer dix euros pour satisfaire aux exigences de l'opinion majoritaire, si?
Et je devrais aussi télécharger les dernières sonneries fashion à deux euros, celles qui te font passer pour un évadé du Foyer pour Trisomiques du quartier quand ton portable se met à te crier "Décroche-heu Biloute!" en pleine réunion?
(Au passage, je te signale qu'une seule personne dans l'Hexagone l'a vu et ne l'a pas particulièrement apprécié, le film au quatorze millions d'entrée, et il te le dit dans ce coin-là).
Et pour conclure, quelques précisions, pour en finir avec une certaine idée du bon goût:
Je n'ai jamais aimé Amélie Nothomb, ni ses bouquins, ni son personnage d'autiste "de génie" qu'elle trimballe de plateau télé en salon du Livre depuis les années 90 (dans le genre, je préfère encore Dustin Hoffman dans Rain Man, il jouait mieux).
Non, je n'irai jamais comparer Truismes à la Métamorphose, et
Darrieussecq n'arrivera jamais au petit orteil de Kafka, même si elle passait encore mille ans à nous pondre des bouquins que Libé et consorts continueront de porter aux nues de manière presque mécanique.
Raphaël, avec ses airs de faux rebelle de Prisunic et ses prises de position ultra-branchouilles, me donne de l'eczéma, et ses chansons de merde me poussent même à zapper sur Radio Courtoisie, c'est dire.
Vincent Delerm, le "prodige" de la chanson française, il ne chante pas, il murmure à l'oreille des bobos, c'est le Carla Bruni avec service trois-pièces et il ne lui manque plus que le statut de Première Dame de France pour ressembler trait pour trait à notre grande Gudule nationale (d'ailleurs ils iraient bien ensemble, elle devrait réfléchir à un duo avec lui, mais faudrait monter le son à fond, tu imagines, deux pseudo-chanteurs sans voix sur le même morceau...).
Jamel Debbouze a beau être l'acteur le mieux payé de France, il me fait à peu près autant rire que Bigard et il joue aussi bien qu'un balai à chiottes, excusez-moi, mais si vous avez des doutes, repassez-vous ces bons gros nanars que sont Asterix mission Cléopâtre ou Angel A.

Et puis, non, définitivement non, je ne donnerai décidément pas un centime au Téléthon, et j'ai adoré la blague de Timsit sur les trisomiques et les crevettes roses.