Gabriel Makang pour le Sphinx Hebdo
L’un des principes élémentaires de la guerre consiste à susciter destrahisons, à infiltrer l’adversaire pour le fragiliser et le fairetomber de l’intérieur. C’est bien ce que la France a fait dans satentative de déstabilisation du Cameroun. Elle s’est acquis lacoopération passive et active de certains de nos compatriotes dans lesforces armées, la classe des élus, la haute administration, les hommespolitiques, les associations de la société civile basées à l’intérieurdu pays et à l’étranger ainsi que les medias.
Certains l’ont fait pour un gain immédiat, notamment financier alorsque d’autres investissaient à long terme, se positionnant pour leprochain régime, croyant l’actuel condamné à tomber comme d’autres en Afrique avant lui. La société camerounaise est ainsi divisée entre le toutpetit groupe qui a de la sympathie pour la France de laquelle ilsobtiennent des stages de formations, des dons matériels pour leursservices et même des cadeaux de ses multinationales, et la vastemajorité qui voit en elle la responsable de beaucoup de nos maux. Sitous ces aspects méritent de l’attention, celui qui nous intéresse iciest, vous l’avez deviné, celui des medias et des journalistes qui fontle jeu de l’adversaire.
C’est bien connu, qui veut gagner une guerre contrôle l’information.
Celui qui contrôle les medias détermine la perception des populationsdes évènements. C’est grâce à leur manipulation de l’information quele vol des matières premières des pays africains a été pendant desdécennies perçu comme une aide au développement, une arnaquefinancière telle que le Franc CFA assimilé à un soutien à notremonnaie et qu’une opération de déstabilisation par l’intermédiaire deBoko Haram comme une de simples ambitions territoriales de radicauxislamistes.
Cette guerre médiatique dirigée contre notre continent et le Camerounen particulier en ces temps de crise n’a pas commencé aujourd’hui. Déjà au temps de lacolonisation et pendant les indépendances, la France avait mis enplace un vaste réseau d’artifices dans le but de contrôler la penséedes jeunes Etats naissants. Et les effets de cette colonisationpeuvent être encore perçus dans les attitudes de certains desdirigeants africains, surtout francophones.
Parmi les outils de la guerre de la pensée qu’elle a mise en place, onpeut citer les centres culturels, la Francophonie, la langue commelangue d’études, les programmes scolaires et les medias tels que RFI,France 24 ou Euronews. La France n’est pas le seul pays engagé danscette guerre médiatique dans laquelle la recherche de la vérité n’estplus de mise. Chaque grande puissance fait de la propagande et vendaux pays africains et aux autres nations compétitrices sa perceptiondes évènements sociaux, politiques ou financiers, régionaux etmondiaux qui lui est favorable. La Grande Bretagne a sa BBC, lesEtats-Unis la voix de l’Amérique, la Chine l’agence Xinhua et uneflopée de chaines de télévisions, la Russie, la Voix de la Russie,l’Allemagne la Deutschwelle. La récente visite de Guillaume Soro auCameroun accompagnée dans la presse camerounaise d’une vagued’articles pro-Ouattara et anti-Gbagbo est là pour nous édifier sur la manipulation de la presse et des individus
En Afrique, ces medias étrangers utilisent de plus en plus desjournalistes locaux, un peu comme un boulanger grec utiliserait desvendeuses noires pour inspirer confiance et établir une connexionémotionnelle avec ses clients. L’information semble passer mieuxlorsqu’elle vient d’une personne qui nous ressemble. Apres tout, c’estle frère et il ne peut qu’être qu’objectif puisqu’il est supposé aimerson pays, ce qui n’est pas malheureusement toujours le cas.
Contrôler l’information par l’argent.
L’un des points-clés du contrôle de l’information est sa distributionet celle-ci a été verrouillée depuis longtemps au Cameroun par laFrance à travers son autre outil appelé Messapresse, qui appartient augroupe français Presstalis, anciennement Nouvelles Messageries de lapresse parisienne et qui détient le monopole de la distribution desjournaux au Cameroun et dans des pays africains francophones tels quele Gabon, le Sénégal, la Cote d’Ivoire, Madagascar, pour ne citer queceux-là. La Fédération des éditeurs de presse au Cameroun (Fedipresse)s’est d’ailleurs plainte de la faible couverture de la distribution etde la violation de l’article 17 du contrat avec les éditeurs depresse, amenant certains éditeurs à travailler sur la création de leurpropre société de distribution.
Dans un article titre : Du Vrai Visage de Messapresse, Armand Hamoua Baka, ancien cadre de Messapresse affirme : « MESSAPRESSE qui estmonopoleur n’est pas en réalité là pour la distribution de la presse locale camerounaise. MESSAPRESSE est avant tout un outil d’hégémonie, de propagande etde diffusion de la culture Française. A travers le livre scolaire de grands éditeurs comme Larousse, Nathan, Bordas et la presse du genre figaro, Paris Match, le Monde du Graal, Voici, Maxi, cette filiale du groupe NMPP (nouvelle Messagerie de Presse Parisienne) a su mettre en valeur le savoir-faire de la France dans plusieurs domaines. Bien plus, MESSAPRESSE est un puissant outil de renseignements etde collecte d’informations pour l’Elysée via le Quai d’Orsay à travers le Consulat de France à Douala et l’Ambassade de Yaoundé ».
Des vendeurs de journaux ont confié au Sphinx Hebdo en nous en se plaignant du fait que Messapresse impose de façon injuste les règles du jeu. Par exemple, cette société favorise et pousse agressivement la vente des journaux français dansles kiosques camerounais et détermine le prix des journaux locaux. C’est cette compagnie qui a imposé une quote-part de 140 francs CFA par journal vendu devant lui être versée, provoquant par-là une montée fulgurante du prix du journal. En effet, les Editeurs de presse se trouvent obligés de vendre un journal à 400 F CFA pour couvrir leurs dépenses. Or à ce prix, il y a peu de camerounais qui peuvent se permettre d’acheter un journal, certains préférant le louer pour une journée à 100 F CFA aux vendeurs qui entretiennent ainsi un commerce parallèle.
Du coup, les DP deviennent dépendants des sources de financement extérieurs pour la survie de leurs journaux que la France à travers ses multiples outils tels que l’agence de coopération, le service culturel de l’ambassade, des séminaires et ateliers de travail, des stages de perfectionnement et différentes ONG assure gracieusement prenant au passage le contrôle des lignes éditoriales. On voit rarement certains journalistes écrire un article critiquant la France et il est pratiquement impossible d’en faire publier danscertains journaux camerounais. Selon des informations crédibles données au Sphinx par un responsable d’une chaine de télévision diffusant auCameroun, certains journaux privés camerounais avaient reçu de l’argent pendant la période qui a entouré la sortie de prison du Professeur Edzoa Titus et Michel Thierry Atangana pour dépeindre le gouvernement sous une lumière négative.
On a aussi vu dansle cadre de cet effort de museler l’information, des journalistes ayant des émissions populaires se faire recruter dansles départements de la communication des multinationales françaises. Malheureusement, cet assaut sur notre intellect ne s’arrête pas à la presse écrite. Une grande partie decetteguerre se joue sur l’internet.
L’internet Aussi
Celui-ci est une cible de choix car il dessert les membres de la diaspora riche de dizaines de milliers de personnes et dont le poids sur les évènements n’est pas à négliger. Il présente aussi le singulier avantage de permettre la diffusion de l’information à travers les frontières, dansle monde entier. Il y a des websites tels que Mediapart qu’on dit indépendant mais qui a bénéficié du soutien d’un fonds de l’Impôt, donc du contribuable français, instauré par
Sarkozy qui donnent un coup de pouce au positionnement géostratégique de la France.
Apres avoir publié il y a quelques mois un article accusant Marafa et d’autres ressortissants du Nord d’être des financiers d’une rébellion germant dans la partie Nord du pays, Fanny Pigeaud en écrit un autre intitulé Dans la Lutte Contre Boko Haram, Le Tchad Est Juge Trop
Ambigu,dans lequel elle fait planer le doute sur la sincérité de l’engagement du président tchadien, Idriss Deby dans sa lutte contre Boko Haram. Elle sous-entend qu’il serait un soutien decette organisation terroriste. Cette accusation est pour le moins curieuse lorsque l’on considère le président Idriss Deby comme un allié stratégique de la France, ce qui nous pousse à nous demander si cette sortie n’avait pas pour but de lui faire payer son alliance avec leCameroundans sa lutte contre Boko Haram et par la même occasion créer un climat de suspicion parmi les alliés africains ? Une chose qu’il faut garder à l’esprit c’est que le Sphinx Hebdo dansun article précédent intitulé : Boko Haram : La France Mord La Poussière Face Au
CamerounEt Evalue Ses Options a évoqué des tentatives de créer la division entre les troupes alliés africaines se battant contre Boko Haram.
Il n y a pas que des sites français qui participent à cetteguerre. Il y a aussi des sites camerounais qui sont tellement pro-français que cela frise de la propagande. La preuve en est la flopée d’articles pro-français ayant accompagné la visite de Laurent Fabius, ministre français des Relations Extérieures auCameroun dont tout le monde comprend qu’elle était surtout une opération de Marketing à l’intention du public africain dans une vaine tentative de dissiper les soupçons qui pèsent sur la France par rapport à son soutien à Boko Haram.
Ces websites tentent par ces manœuvres de ramener la vieille chanson déjà dépassée et à laquelle personne ne croit plus, celle de la France, amie de l’Afrique. Lorsqu’ils publient des articles évoquant la main de la France dans l’affaire Boko Haram ils les présentent comme dérivant de la théorie du complot, sans fondement. Par exemple, ils ont publié des articles écrits par leurs correspondants pour expliquer les sources de financements de Boko Haram comme provenant des enlèvements d’étrangers alors que Michel Collon, dansun excellent article a bien démontré que cette activité, du fait de son inconsistance etde relativement faibles revenus qu’elle génère ne peut financer une rébellion faite de milliers d’hommes.
Il y a parmi ces websites, un camerounais très lu qui refuse désormais de publier des articles du Sphinx Hebdo. Pendant longtemps il l’a fait puis subitement a arrêté depuis près de 6 mois sans aucune explication alors qu’il continue de recevoir comme beaucoup d’autres la version électronique de nos écrits. L’article-ci leur a été envoyé et nous espérons qu’il y sera publié. Un de nos lecteurs, qui partage les points de vue du Sphinx Hebdo nous a révélé que certainsde ses commentaires sont bloqués dans ce website.
Ce website en particulier contrairement à d’autres qui se contentent de publier les articles qu’on leur envoie a son propre réseaude correspondants qui couvrent et commentent l’actualité pour lui. Est-ce qu’il a des moyens de payer autant de gens ou sont-ils simplement des employés bénévoles ? S’il a d’énormes ressources financières, d’où vient cet argent ? Pourquoi semble-t-il soutenir un pays dont la plupart des camerounais savent qu’il est sinon derrière Boko Haram, du moins un ennemi traditionnel de l’Afrique dont les méfaits ne sont plus à prouver ?
Ces commentateurs qui font le jeu de La France
Les websites sont infestés de commentateurs dont le rôle semble êtrede détruire la crédibilité des articles qui exposent la France. Non, ils ne la soutiennent pas toujours ouvertement, mais lorsqu’un article de ce genre est publié, ils attaquent celui-ci avec une violence verbale sans se donner la peine comme le leur suggèrent d’autres lecteurs de soutenir leur point de vue. Ils détournent constamment l’attention des lecteurs des méfaits de celle-ci sur les tares du pouvoir de Yaoundé qu’ils critiquent constamment. On ne peut pas leur reprocher de critiquer le régime en place qui par ailleurs leur donne des occasions légitimes dele faire. C’est aussi leur droit.
Ce qui est curieux dans leurs interventions c’est d’abord leur constance surle net. Il y en a certainsqui interviennent dans pratiquement tous les articles publiés, nous poussant à nous demander ou prennent-ils ce temps, denrée rare en Occident ? Sont-ils payés pour le faire ? Encore plus curieux est le fait qu’ils tirent non seulement surle gouvernement, mais aussisurles institutions de l’Etat populaires parmi lescamerounais, tels que l’armée à laquelle nous devons tous notre liberté aujourd’hui. Depuis le début de la guerre, ils critiquent notre armée et trouvent quelque chose de négatif à dire même lorsque celle-ci pose des actes de bravoures et gagne des victoires éclatantes. Tout est systématiquement critiqué dansune tentative de maintenir dans l’esprit descamerounaisle ressentiment généré par les dysfonctionnements dans la marche du pays.
Pourtant, il nous semblait que lorsque l’on attaque votre famille, même si vous avez des doutes sur l’identité de l’agresseur etdes malentendus en votre sein, la loyauté vis-à-vis des vôtres vous obligerait au minimum à adopter une attitude protectrice vis-à-vis des vôtres etau mieux à défendre d’abord la famille et régler les problèmes internes plus tard. C’est ce que font les citoyens d’autres nations. Même dansdes pays dits démocratiques, lorsqu’une menace extérieure se présente, tous les citoyens, y compris les hommes politiques font une alliance pour repousser la menace extérieure de loin plus importante queles malentendus de politique interne.
Certains de nos compatriotes semblent prendre plaisir à tirer surles leurs.
Il n’est pas tard pour ceux-là de se rattraper etde changer. Cet article n’est pas un appel à une chasse aux sorcières, mais à une prise de conscience. C’est contre leurs intérêts qu’ils agissent ainsi. C’est l’avenir de leurs enfants qu’ils compromettent. Rejoignez le bon camp car c’est unis que nous allons plus rapidement gagner ce conflit. Et nous allons le gagner car la victoire dansuneguerre dépend certes de la puissance etde la bravoure d’une armée, mais ausside la conscientisation de la population aux enjeux réels et sa détermination à défendre sa terre. Etcela, leCameroun a déjà. La France le sait, c’est pour celaqu’elle a envoyé Laurent FabiusauCameroun calmer le jeu et essayer de rattraper ce qui peut l’être. Si BokoHaramavait été en position de force, le langage aurait été différent. Rappelez-vous avec quelle cruauté ils ont traité les membres du gouvernement Laurent Gbagbo à la chute du régime et ne vous laissez donc pas berner par ces sourires devant les caméras de télévision. Ils sont furieux contreleCamerounet ont la rage au cœur, mais ça c’est une autre histoire.
Nous savons que pour beaucoup de journalistes, c’est une affaire de survie financière. Vous avez besoin de cet argent pour nourrir vos enfants, payer leurs études, les soigner et payer leurs factures, on lecomprend. Etle gouvernement devrait faire un peu plus pour soutenir la presse et même l’aider à mettre sur pied sa propre société de distribution. On ne peut laisser un domaine aussi stratégique entre les mains de nos adversaires. Mais d’autres que vous ont été dans l’adversité et n’ont pas trahi. Au maquis, Um Nyobe, Ossendé Afana, Ernest Ouandié, Felix Moumié ont fait face à ce genre de dilemme et ils ont choisi l’honneur. Ils ont choisi de mourir pour nous. Nous ne vous en demandons pas tant. Nous vous demandons simplement de revenir camerounais. N’entrez dans l’histoire decette façon-là.
Gabriel Makang pour le Sphinx Hebdo