Don Quichotte des Mers

Publié le 26 février 2015 par Pestoune
 

Il était une fois un héros assyrien nommé GILGAMESH...

 Il découvrit et cueillit au fond de la mer l'algue magique qui rend immortel... Malheureusement pour lui, elle lui fut dérobée par des brigands qui, se la disputant, la perdirent à leur tour...

Aussi retourna-t-elle à l'océan. Tout à fait par hasard, un petit mérou l'avala, comme ça, comme une vulgaire salade.

Ainsi commença la grande aventure de ce petit poisson.

NEPTUNE, Grand Maître des mers et des océans, l'invita dans son palais de corail.

"Petit mérou, lui dit-il, tu es devenu invulnérable grâce à l'algue magique que tu as mangée. Tu es le seul animal immortel des Mers et de la Terre.

Tu défendras de toutes tes forces notre UNIVERS : LA MER. Je te baptise "DON QUICHOTTE DES MERS".

Au cours de multiples aventures, Don Quichotte rencontre Dulcinée (une petite girelle) puis Sancho Pança (un Diodon).

Il assiste impuissant à un "carnage" de sardines par des Barracudas puis à une pêche au chalut.

Pouvant se transformer en homme, il sauve la race des tortues vertes en protégeant leurs oeufs et leurs jeunes.

"Aujourd'hui repos, nous allons en Zone neutre décide Don Quichotte". Eh oui, il existe aussi une zone neutre sous la mer ; une sorte de Suisse sous-marine ignorée des hommes.

Ici, il est interdit de se battre et de s'entre-dévorer sous peine d'être chassé pour toujours.

Tous les poissons, des plus petits aux plus grands, y viennent chaque année pour se soigner et se reposer.

Imaginez une immense vallée profonde et limpide dans la Mer de Corail.

Une houle timide berce de son souffle léger une forêt d'algues géantes où fourmille un monde affairé de poissons et de coquillages.

Notre ami souffrant de maux d'estomac décide de se rendre au "Centre thermal".

Il y a foule à l'entrée de la grotte-clinique. Devant petit mérou, un énorme requin-marteau ne cesse de se plaindre.

"Par Vulcain, que j'ai mal au ventre ! Et tout ça par la faute de ce coquin de pilote. Je suis vieux et myope et cet idiot de poisson m'a fait avaler une amphore en guise de mérou".

Don Quichotte, respectueux des usages de ce lieu, étouffe à grand peine une formidable envie de rire.

"Vous devriez, dit-il, vous faire opérer par Poisson-Chirurgien, Acanthurus triostegus, il est, paraît-il, un très grand médecin".

"Je te remercie du conseil grogne le requin avec un regard mauvais, j'y penserai à l'occasion".

Enfin, c'est le tour de Don Quichotte. Il est accueilli par une douzaine de girelles en uniforme jaune rayé de noir qui le conduisent à la salle de soins.

Notre ami est confortablement installé sur un lit de mousse. Il ouvre largement la bouche et ne bouge plus.

Aussitôt, Thalassoma, le célèbre gastro-entérologue, s'introduit dans son tube digestif et se met à en extraire avec adresse les parasites qui s'y trouvent logés.

Lorsqu'il a fini son travail, il fait venir son assistante "Labroide". Notre petit mérou est ébloui d'admiration. Comme elle est jolie cette petite infirmière !

Mademoiselle Labroide se met au travail et après quelques minutes de soins attentifs notre ami se sent tout à fait en forme et ragaillardi.

Il remercie chaleureusement la douce girelle et se dirige vers la sortie.

Tout à coup, un hurlement horrible ébranle les murs de l'hôpital.

Au même instant, des dizaines de petits poissons, en tous points semblables aux labroides, filent à toutes "nageoires" vers la sortie.

"Arrêtez-les, arrêtez-les, crie Thalassoma. Ce sont encore ces maudites blennies. Elles ont, une fois de plus, trompé notre vigilance. Il faut en finir une fois pour toutes !".

"Mais que signifie tout ce remue-ménage demande Don Quichotte à son infirmière ?" Celle-ci, frémissante de colère ...

"Ces poissons sont des brigands et des charlatans ! Ils portent presque le même uniforme que nous.

Ainsi peuvent-ils "opérer" tout à loisir. Ce ne sont pas des parasites qu'ils enlèvent de la bouche de nos naïfs malades lorsqu'ils s'y introduisent, mais des morceaux de leur chair".

Abandonnant notre ami interloqué, la douce girelle, devenue furie, se mêle au groupe de ses collègues qui donnent la chasse aux imposteurs.

"Décidément, se dit Don Quichotte avec amertume, on ne peut être tranquille nulle part en ce bas monde" !

Après un petit somme, voulant se dégourdir un peu les nageoires, il décide de se promener dans le village.

En chemin, il rencontre Poisson-Docteur. Celui-ci lui semble très fatigué.

"Mais qu'avez-vous donc Docteur ? Vous avez bien mauvaise mine, s'inquiète notre ami".

"En vérité, je suis épuisé répond le médecin. Nous recevons trop de malades et nous ne pouvons les soigner tous.

Et puis, nous ne parvenons pas à combattre de nouvelles maladies mystérieuses qui font de plus en plus de victimes.

Voulez-vous m'accompagner dans ma tournée ?".

"Très volontiers répond Don Quichotte avec empressement".

"Regardez cette falaise, elle est noire de moules. Eh bien, ce sont toutes des moules malades et vraisemblablement condamnées à mort".

Poisson-Docteur saisit un coquillage et l'ouvre délicatement devant Don Quichotte. Un dépôt noirâtre tache la robe orange du mollusque.

"C'est cette substance mystérieuse qui les tue, affirme le médecin des poissons.

Nous ne savons pas d'où elle provient. Vous savez qu'une moule filtre des centaines de litres d'eau par jour :'ce sont de véritables réservoirs de déchets et de microbes.

Il est probable que ces coquillages se soient trouvés dans un endroit où leur faculté d'assimilation ait été mise en échec.

Il en est de même pour les huîtres, les arapèdes, les couteaux, les coquilles Saint-Jacques, les limes, les bigorneaux, etc...".

"Mais c'est affreux, s'écrie Don Quichotte, avez-vous pensé Docteur à tous les poissons qui se nourrissent de coquillages et de moules, en particulier ?".

"Bien sûr, bien sûr, dit Poisson-Docteur, avec un triste petit sourire en coin, les mérous, par exemple, en sont très friands, n'est-ce pas ? "

Don Quichotte rougit de honte.

"C'est vrai, admet-il, mais nous ne sommes pas les seuls poissons qui mangent des coquillages !

Et si nous venions à disparaître, ce serait la fin de toute vie sous-marine".

"En effet, reconnaît Poisson-Docteur, mais qu'y pouvons-nous ?  Ah, voici la pouponnière des homards".

Cette pouponnière est en fait une immense grotte dans laquelle se trouvent superposés des milliers de curieuses roches percées de petits trous.

"Chacune de ces petites niches, explique Poisson-Docteur, abrite un bébé homard.

A l'issue d'une réunion organisée par la L.P.L.S.D.O. (LUTTE POUR LA SURVIE DES OCEANS), nos savants ont décidé de faire construire ces abris car ils ont remarqué que, sur mille larves de homards, seules quatre survivaient.

L'espèce se trouvait donc en voie de disparition et il était grand temps de trouver une solution pour les protéger".

Deux grottes plus loin, un vieux crabe de l'Océan Indien, les pinces affublées de ses inséparables anémones qui lui servent de bouclier, discute avec son cousin de Méditerranée.

Le crabe Indien paraît en pleine forme tandis que le Méditerranéen, pourtant beaucoup plus jeune, peut à peine se déplacer.

Poisson-Docteur note l'étonnement dans les yeux de Don Quichotte.

"C'est tout à fait normal, déclare-t-il, la Méditerranée n'est presque plus vivable de nos jours. Il y a trop d'hommes dessus et elle est devenue trop petite pour nous !

C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons plus nous y développer normalement.

Par contre, l'Océan Indien n'est pas encore tout à fait envahi.

C'est ce qui explique la vitalité de ce vieux crabe tellement supérieure à celle de son cousin".

Don Quichotte prend progressivement conscience de la responsabilité des hommes sur l'équilibre de la NATURE. Cette constatation l'irrite et l'inquiète.

Il n'entrevoit aucune solution, aucune parade contre l'inexorable extermination.

Il ne parvient pas à s'expliquer les raisons de l'homme qui s'applique à détruire ou salir sa propre nourriture. Il se rappelle alors les paroles de NEPTUNE :

"L'homme est capable du meilleur comme du pire !".

Notre petit mérou se dit avec tristesse que, jusqu'alors, il n'a été témoin que du pire.

Il décide d'aller chercher la solution du problème sur place, c'est-à-dire chez les hommes.

Par un subterfuge et grâce à l'aide de Neptune et d'Eole, il amène l'HOMME (personnifié par un capitaine de pêche) à réfléchir.

L'histoire se termine par une déclaration du capitaine : "OCEAN, tu t'es montré clément !

Nous voulions tout te prendre et tu nous a épargnés. Jamais plus nous n'abuserons de tes bienfaits".

Tous les marins, toutes les femmes de marins, tous les patrons pêcheurs, tous les riches armateurs se signent.

Tous ont compris la leçon et tous promettent de respecter cette richesse fabuleuse mais non inépuisable que renferme ... la MER.

Par A. Benicles   source : http://www.aquaportail.com

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