Cette nuit, j’ai écouté le silence. Il me semblait y voir se dessiner des formes qui n’avaient pas besoin de parole, qui n’étaient pas de notre monde, pas tout à fait d’un autre non plus. Une porte ouverte vers l’ailleurs.
Pourtant le peu de lumière persistant découpait êtres et objets avec netteté, ne laissant aucun espace plausible de respiration. Il fallait creuser soi-même toute matière impalpable.
De la constitution du silence je ne sais rien et ne veux rien savoir. Il n’y a que la nuit que j’en admire vraiment l’étendue, vaste et rugueuse plaine ouverte aux délires les plus intimes. C’est comme si le monde se tournait, pour nous offrir son autre profil, celui qu’il cache avec tant d’obstination au grand jour. Les éclairs d’hier ont laissé place au couvercle bas et lourd de Baudelaire, et voilà que le temps devient pesant à mes yeux même. Gorgé de l’irrésistible solidité que confère à toute chose le silence nocturne. Y tracer sa route, devient une forme de prière. S’en extirper, une déchirure.