Gustave Thibon à propos de l'ère du vide: "Un monde qui devient de plus en plus irréel à mesure qu'il s'évapore en pur spectacle, qu'il n'existe que pour être vu".
À La Désirade, ce jeudi 5 mars. - En collationnant ce matin les pages de mes carnets accumulées depuis novembre dernier et reprises (avec les coupures qui s'imposent) dans Mémoire vive, je constate que le tapuscrit de ce work in progress compte aujourd'hui plus de 500 pages, que je pourrais étendre à 1000 pages d'ici au 14 juin 2017, jour de mon 70e anniversaire sous le signe des Gémaux, incluant alors 50 ans d'écriture continue puisque j'ai entrepris la rédaction régulière de ce journal intime / extime en 1966-67, dans mes cahiers Polska ramenés de Cracovie, donc l'année de nos vingt ans.
Cet ensemble, dont j'ai déjà publié cinq volumes représentant plus de 2000 pages et que j'ai qualifié de " lectures du monde " aura été, parallèlement à mes diverses tentatives en matière de narration et de fiction,comme une base continue dont tous le fragments, apparemment épars, sont liés au même noyau et à la même voix.
Depuis 2005, donc ça va faire 10 ans, mon blog des Carnets de JLK, comptant ce matin 4257 textes, a été le lieu de multiples modulations nouvelles, du point de vue de l'écriture, incluant proses brèves et gloses littéraires ou cinématographiques, notes de voyage et fragments panoptiques de toute sorte, dialogues ou extraits de travaux en chantier. Tout cela sans beaucoup d'effort et de moins en moins : juste pour le plaisir, l'intérêt de la Chose (intérêt tout égoïste mais volontiers partagé avec quelques-uns) et le bénéfice à la fois éthique et esthétique d'une notation scrupuleuse évitant, sinon les redites, du moins la répétition de comportements imbéciles observés sur soi autant que chez les autres...
- Retrouvé tout à l'heure, au Major Davel de Cully, le compère JCB, mon camarade à l'armée d'il y a quarante ans de ça. Svelte sexa aux cheveux blancs, dont je retrouve illico un tic rigolo et qui me paraît cuit par l'age sans être recuit. Je verrais assez son portrait par un maître rhénan, avec un habit noir et un lacet de cuir sur chemise de lin. Le vélo l'a gardé en forme à ce qu'il semble. Actuellement avec une troisième femme et deux filles quadras. Conversation soutenue et nourrie. Lui ai dédicacé Les bonnes dames en lui détaillant plus précisément les caractères de mes vieilles fées aux cœurs de petites filles. La discussion, après divers thèmes dont mon amitié brisée avec RG et mes démêlés avec Maître Jacques, a porté sur la mort, notamment à propos de la biopsie qu'on m'a prescrite ce matin. Lui voit la chose sereinement, comme un passage vers autre chose. Pour ma part, je considère essentiellement la résurrection de chaque aube nouvelle, de plus en plus étranger à ce que croient savoir les théologues et les croyants ordinaires. Enfin remonté à La Désirade sous un clair de lune que je n'ai pas envie de qualifier de " magique " vu que l'usage actuel de cet adjectif le réduit au toc publicitaire.
Louis Calaferte : " J'ai soixante-trois ans - et j'ai un impérieux besoin de la douceur de l'amour ". Ou ceci que je partage aussi :" J'ai une force intérieure. J'ai une force d'âme. Je dois l'utiliser. C'est une affaire entre Dieu et moi ". Et cela de prémonitoire en1991 : " Ce sont les guerres de religion qui troubleront le XXIe siècle ".
À la Désirade, ce vendredi 7 mars. - Basta cosi, me suis-je dit à la première heure de ce matin, après avoir regardé le dernier des douze épisodes de la série Gomorra, d'après les écrits de Roberto Saviano. Basta ! Assez de cette violence qui prétend dénoncer le crime et la corruption en reproduisant ladite violence, poussée à l'extrême, non sans composantes fascinantes voire délétères, où toute pensée se réduit finalement à des conclusions douteuses puisque le discours selon lequel le crime ne paie pas (ici la mort atroce de quelques très jeunes gens) paie bel et bien la série en question et son exploitation...
Mais aussi : quel aperçu désespérant (et combien terrifiant de précision) de la misère sociale et morale dans ces villes-mondes pourries par la drogue et les " facilités " offertes aux jeunes sans travail ni espoir par le crime organisé. Plus que jamais : le serpent qui se mord la queue, sempiternel cercle vicieux de la course au profit et de l'enrichissement des plus riches au dam des plus pauvres. Ma basta ! me disent les mésanges et les piafs accourant ce matin au McDo de La Désirade...
Malgré les nids à poussière, il vaut parfois la peine de s'attarder dans les greniers mémoriaux de certains hommes de lettres bien encaqués dans leur époque, comme Robert Sabatier le fut dans l'espèce de province parisienne que représente le milieu littéraire du second demi-siècle dans les 650 pages de ces Mémoires relevant du bottin semi-mondain autant que de la chronique poncée d'un romancier-poète moyen très adulé du bonhomme public pour des raisons simples (le sentimentalisme un peu misérabiliste enrobant des récits d'enfance dopés à l'émerveillement, célébrant avant l'heure les " petits riens " genre allumettes suédoises, noisettes sauvages et autres sucettes à la menthe...), auquel son pair Alain Bosquet, plus teigneux, reprochait de manquer d'ennemis.
C'était un patelin fumeur de pipe que le " père d'Olivier ", il y avait chez lui de l'artisan appliqué (comme il le relève à propos de Simenon dans un paragraphe d'une rare platitude) et du percheron de la plume, ses poèmes m'ont toujours paru composés à la machine à coudre et je reste vraiment sur ma faim après cette morne énumération de dîners littéraires et de salons du livre, de réunions de jurés (il siégeait quand même à l'Académie Goncourt, mais pas une ligne mémorable ne saille de ses souvenirs au mol imparfait) et autres invitations en France ou dans lemonde. On apprend là qu'il a voté pour Jacques Chessex - qui écrit des poèmes comme lui donc ne doit pas être le mauvais bougre... -, mais pas un mot sur L'Ogre, et quand il salue le Goncourt de 1987 à Tahar Ben Jelloun, alors qu'il avait voté pour Guy Hocqenghem (ouf !), c'est avec un salamalec d'une pertinence critique relative : " Le lauréat a l'étoffe d'un grand écrivain : il le prouvera par ses prochaines œuvres ". Ah bon ?
Bref, alors que la moindre page du Journal de Jules Renard (qu'il cite en passant non sans reprocher à l'auteur d'être trop peste), de Léautaud ou de Jouhandeau, et jusqu'à Matthieu Galey aux mémorables croquis et portraits, ne cessent de retenir l'attention par leurpâte humaine ou leurs coups de patte, le pauvre Sabatier rase et endort sans nous apprendre rien de neuf ou de vif sur ce milieu auquel il ne cesse de se flatter, mine de rien, d'appartenir.
Mais là je m'y retrouve, dans la mesure où ce que j'ai connu dudit milieu m'a toujours paru factice et guindé, surtout dans ces eaux stagnantes des antichambres éditoriales et des restaus chics style Lipp ou Lasserre, où j'ai été invité bien des fois mais n'y serais jamais allé de mon propre gré, préférant mes chemins de traverse et quelques vraies gens dans les recoins du Lucernaire ou de la brasserie Chartier, entre autres lieux plus louchement allurés...
Sami AldeebAbu-Sahlieh : " Le Coran impose au musulman le devoir d'obéir à la loi de Dieu, qu'il considère dans tous les cas supérieure à la loi de l'Etat. Il ne peut choisir les normes à appliquer comme vous choisissez votre repas à la carte (verset 2: 85). Le droit musulman est un tout: à prendre ou à laisser.On peut laisser tomber un certain nombre de normes en cas de faiblesse ou de contrainte, mais le musulman se sentira toujours coupable de ne pas appliquer l'ensemble des normes islamiques. Dès que l'occasion se présente, il revient à l'intégralité du texte et des pratiques. A moins d'abandonner totalement l'islam pour ne pas vivre dans une situation de schizophrénie. De ce fait, il ya un mouvement d'athéisme sans précédent parmi les musulmans. Remarquez que même les musulmans modérés ne céderont que très rarement sur certains principesqui sont pourtant contraires aux droits de l'homme, comme en matière de mariages mixtes ou de cimetières. C'est cela qui empêche la bonne intégration des musulmans dans la société occidentale. "