Les trottoirs cheminent le long des maisons sans grande conviction, comme si l'heure n'était plus à la rigueur d'autrefois... Les rues ne sont pourtant pas si nombreuses, deux ou trois seulement si l'on excepte les ruelles sans peu d'issue et celles qui s'échappent en chemins caillouteux vers les "écarts"... Les habitations, autrefois pavillons coquets, sont pour beaucoup fermées, la Faucheuse est passée par là et clame qu'il ne lui appartient pas de trouver des remplaçants !... Les commerces il n'y a pas si longtemps florissants ont baissé leurs rideaux, les vitrines poussiéreuses n'offrent plus qu' araignées et misère aux rares passants.
Pourtant ce dimanche sent le printemps, mais l'hirondelle ment parfois, surtout aux petits villages agonisants.
Le cafard est d'un rare sans-gêne à s'installer chez moi sans crier gare, et comme je le sais difficile à raisonner, je n'argumente jamais, je lui préfère un petit tour en Nostalgie, histoire de lui faire bien comprendre qu'il existe une façon plus douce de considérer les choses... Rouler jusqu'à mon village d'antan est la seule envie qui me soit venue à l'esprit cette fois encore, je savais pourtant bien qu' en roulant vers ce passé somme toute récent, les retrouvailles ne seraient que tendres à défaut d'être gaies...
Le Temps fait partout son ouvrage, il peut parfois être un bon artisan, mais quand une crise économique y met son grain de sel, il arrive que les villages aussi prennent un brutal coup de vieux à force de faillites et de volets fermés, le bourg se meurt faute de combattants, tout comme l'église ne compte plus ses paroissiens aux abonnés absents...
Me croirez-vous si je vous conte cette agonie comme un vide abyssal, où chaque volet clos est un visage aux traits devenus confus, aux patronymes évanouis, où chaque recoin transpire d'absences, me croirez-vous si ce village n'est plus tout à fait le mien, ou alors en moins bien, tellement moins bien, avec cette curieuse couleur de tristesse qui colle aux pierres comme aux gens ou parfume l'air ambiant...
Oui, même l'air qu'on y respire a le goût d'un deuil inconsolable, les nuages y sont à la traine peu pressés d'en finir eux aussi, comme si trop de lumière pouvait faire offense à ce regret de ne plus être vraiment...
Pourtant, au fil des chemins environnants, le soleil tente bravement de tromper son monde en vernissant les feuillages, en rougissant les tuiles des toits moussus... Mais rien y fait... Le Temps vous dis-je, a fait son œuvre en ne laissant après son passage qu'un étonnant trou de mémoire...
Au détour d'une allée j'ai aperçu une vieille dame occupée à désherber son jardin, j'ai reconnu celle qui jadis tenait l'épicerie, son mari assis sur le banc adossé au mur de leur maison, comme avant... Ainsi, pour eux point de rupture, la vie continuait d'être un long fleuve tranquille, du moins en apparence... Il me plut que pour d'autres que moi la vie n'impose pas les mêmes exils et qu'au cœur de mon Passé, quelques uns continuent d'y vivre sans peut-être même savoir qu'ils ne sont qu'en sursis dans ce petit Crépuscule...
Dimanche 08 Mars 2015 -