Tout comme notre regard fait le monde, le révèle, l'invente, le met en forme, en son et en image ; c'est ce même regard et suivant le même processus, qui crée l'oeuvre d'art. D'où qu'elle vienne, de quelque origine que ce soit, la forme, la chose ; toute chose peut être artistique ou du moins aspirer à l'être dès lors qu'un regard nouveau est susceptible de lui donner cette chance ; de lui prodiguer cette lumière nouvelle. C'est ce que firent en leur temps tous les précurseurs, les révolutionnaires de l'art, les "iconoclastes", les "primitifs", les "scandaleux"... Tout objet donc, toute matière est artistique dès lors qu'elle est extraite du courant de causes et d'effets ordinaires qui l'ont charriée et progressivement amenée à notre perception. Une fois retirée de ce flux ; une fois lavée de ses tenants et aboutissants ; une fois départie du rôle que le quotidien, le temps et la plus ordinaire causalité lui avait jusque-là fait jouer, la forme quelle qu'elle soit prend un nouveau sens, une nouvelle perspective. Elle dévoile des harmonies, des équilibres, des noeuds de forces internes ou externes qui la posent et la proposent comme une véritable création dans toute sa singularité.
L'oeuvre d'art n'est pas seulement en charge d'émotion d' "émoi" ; elle peut aussi simplement accrocher le regard, la curiosité. Elle peut choquer, mais aussi intriguer... Dans tous les cas, elle doit capter l'attention et inviter chacun à inaugurer de nouvelles perceptions, de nouvelles sensations... un nouveau monde en somme.
Sébastien Junca.
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