Deux pigeons s’aimaient d’amour tendre…On connaît la fable de Jean de La Fontaine. Certes les relations conjugales des couples de pigeons ne sont pas toujours aussi simples. Mais je peux malgré tout constater en ce début de printemps le langoureux attachement qui les unit. Les ramiers qui ont élu domicile dans le bouquet de sapins qui borde mon courtil rafistolent leur nid en toute hâte et ceux qui vivent sous la protection de la volière batifolent à qui mieux mieux sans aucune retenue. Ce ne sont que bruyantes roucoulades dès le lever du jour, affectueux coups de becs pour chasser des plumes les dernières gouttes de nuit, lascives caresses du mâle à sa femelle alanguie dans les taches de soleil et pressantes invitations à regagner la case laborieusement garnie de brindilles de bouleau, de bourres de laine de mouton et de mousses fleurant bon l’humus. L’objectif de ces marivaudages est certes de perpétuer l’espèce mais ils n’en font pas moins plaisir à voir. L’être humain lui aussi a besoin de tendresse et chaque jour de sa vie. Depuis les caresses de sa mère à sa naissance jusqu’à celles de ses proches lorsque qu’arrivent les derniers instants. Une main sur l’épaule, un effleurement du bras, une étreinte délicate sur la hanche, le moindre attouchement mu par l’affection fait chaud au cœur et à l’âme. C’est qu’il a pour conséquence immédiate d’apaiser la tension artérielle et le rythme cardiaque, de baisser le niveau de cortisol, la pernicieuse hormone du stress, de stimuler l’hippocampe et d’aviver la mémoire, d’aiguiser la sécrétion d’ocytocine qui excite le besoin de câlins et de doper littéralement la production de phényléthylamine. Oubliés alors les méchants virus de l’hiver. Ces stimuli réveillent les défenses immunitaires. Les bronches s’aèrent, les rhino-pharyngites s’assèchent, les céphalées disparaissent comme par enchantement. Les courbatures elles-mêmes qui alourdissent les jambes, courbent le dos et rétrécissent les épaules s’évanouissent. Les joues rosissent, les rides se comblent et les musclent zygomatiques se tendent, éclairant le visage d’un lumineux sourire. Reflétant la vague de bien-être qui envahit tout le corps, les yeux brillent de mille feux. Un air guilleret se glisse entre les lèvres qui s’entrouvrent. Un air presque désinvolte mais qui rappelle si bien les moments heureux. Une comptine cent fois ressassée pendant l’enfance, une rengaine de fête foraine qui trotte dans la tête, un refrain de chanson populaire régulièrement programmée à la radio, une musique partagée un soir de mélancolie. Parfois même seulement quelques notes éparses rassemblées par le hasard et que l’on appelle naturellement un air de printemps. Et pendant quelques instants, quelques minutes, quelques heures, les soucis s’effacent au profit du simple plaisir de vivre en connivence avec un être aimé. Comme une plaisante éclipse dans la rugueuse course du monde sur le chemin de son futur.
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