Maniaco-expressive

Publié le 25 octobre 2014 par Lucie Léanne @lucieleanne75

Chaque écrivain a ses petites manies, ses tics: l’un écrit la nuit, l’autre  vers 5 heures du matin; certains ne peuvent travailler sans avoir bu un litre de café….Même les auteurs les plus célèbres: Sartre par exemple ne pouvait écrire sans mettre ses lunettes, Marguerite Duras sans que son lit ne soit fait. Moi, c’est différent,

Et si on jouait au…

Avant de commencer à écrire, j’ai quelques manies bien particulières. Vers 23 heures, je vais étrangler la voisine du dessus qui chante à tue-tête du Lara Fabian. Je maquille le meurtre en suicide, passe une corde autour du cou de la malheureuse puis l’accroche solidement au plafond -ne faites jamais ça, c’est épuisant. Après j’ai la paix.

Un soir,la propriétaire du studio morbide, a sonné chez moi en me demandant, l’air inquiet si j’avais remarqué quelque chose d’anormal au sujet de ses locataires, pendues mystérieusement : « Deux en un mois, le loyer n’est pourtant pas excessif ». Je lui ai répondu que ça venait sans doute du papier peint : « la couleur grisâtre…personnellement je n’aurais pas supporté ». La pauvre femme a acquiescé, pétrie de culpabilité et m’a remercié pour ce conseil.
Je déteste le tapage nocturne ; ça me rend folle ; je ne me contrôle plus. Est-ce que mes escargots, eux, font du bruit ?

La boite noire

Une fois le silence revenu et la nuit tombée, je peux enfin travailler. Je sors dessous mon lit, ma mallette noire, fermée par deux cadenas avec combinaison à trois chiffres (comme la mallette des truands, pleine de billets qu’on voit dans les films), je l’ouvre en un grand « clung » : il y a là, un trésor inestimable qu’aucun argent ne peut acheter : mes carnets d’écrits, mon tout premier stylo plume et celui que j’utilise actuellement.

Si le téléphone sonne, je ne réponds pas ; si on frappe à la porte, je crie : «Déguerpissez ! C’est fini pour les calendriers ; je ne donne plus qu’aux chauves-souris !!! »

A la différence de mes confrères, je n’écris pas assise à mon bureau ; n’importe quel bureau -aussi beau soit-il- me rappelle l’école dont je garde d’affreux souvenirs. J’écris sur mon lit, un carnet sur les genoux, le dos voûté, légèrement recroquevillée, la mallette à mes côtés. La froideur lisse et rassurante du stylo plume me donne un sentiment de toute-puissance.

Tics et T.O.C    

Durant la nuit, je fais des pauses. Je vais voir mes escargots qui dorment dans le  vivarium, arrose légèrement le couvercle pour simuler la pluie qui tombe ; certains se réveillent. Lentement, très lentement, ils sortent la tête de leur coquille ; on entend des « poc » à intervalles réguliers, des « Pfft ». Ces bruits me détendent, m’apaisent:
-Gouzi-Gouzi-, dis-je d’une voix niaise, devinez qui est là ? C’est maman…
Ils bougent timidement leurs antennes. Je leur envoie des bisous à travers la vitre du vivarium puis je retourne travailler.

Quand mes synapses commencent à grésiller, généralement vers cinq heures du matin, j’arrête d’écrire. Le silence se rompt peu à peu, entrecoupé par les bruits venant de la rue : les voitures, le camion des éboueurs. Le jour se faufile à travers mes rideaux ; je me faufile sous ma couette.