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Au petit théâtre des cruautés (3)

Publié le 30 mai 2008 par Deathpoe
[Un homme rentre chez lui. Modeste appartement de célibataire. L'attend sa mère, venue à l'improviste.]
«Contente de te voir. Il fallait bien que je vienne parce que si l'on compte sur toi, on n'en a pas fini de poiroter comme des cons.
-Bonjour, Maman. Et désolé, je suis très pris ces derniers temps.»
[Pour combler un silence rapidement installé, il passe le balai en contournant à plusieurs reprises le fauteuil où elle s'est installée, sans y avoir été invitée.]
«C'est crade, ici. Quand est-ce que tu apprendras à tenir correctement ton appartement? Déjà que tu vis dans un trou-à-rats.
-Ca me suffit pour vivre. Et ici, au moins, je suis tranquille.
-Nous y revoilà. Ca te suffit, ça te suffit! Monsieur s'est toujours contenté du minimum. Un raté doublé d'un fainéant, voilà mon fils. Un raté, te dis-je. Tu me comprends bien? Un raté.
-Tu veux quelque chose à boire?
-Parce que tu as autre chose que de l'alcool à me proposer, peut-être?
-Ouais. Du café.
-Je n'en bois plus depuis belle lurette. Tu devrais pourtant le savoir.
-Alors ce sera de l'eau du robinet. Peut-être même des chiottes.»
[Elle ne trouve rien à rétorquer à cela, surprise, et se contente de se raidir dans le fauteuil, contre lequel est maintenant posé le balai. Le tas de poussière patiente quant à lui à ses pieds, comme symbole des dernières renonciations.]
(...)
[Elle se met à pleurnicher.]
(...)
[Lui s'allume une cigarette et en recrache la fumée vers le plafond, qu'il contemple l'espace de quelques secondes.]
«Arrête voir de pleurer. C'est lassant.
-Tu as changé; tu n'es plus mon petit garçon. Tu es devenu un parasite.
-Les années passent. Tout le monde change. Sauf toi.
-Tu te souviens comment je t'appelai quand tu étais petit?
-Je crois que j'en ai plus grand chose à foutre maintenant.
-Qu'est-ce que j'ai bien pu louper? Pour que tu deviennes comme ça.
-Tu m'as constamment étouffé.
-C'est pour toi que j'ai fait tout ça. Tout ça pour que tu deviennes un fainéant.
-Tu voudrais pas te taire de temps en temps?
-Pas de travail, pas de femme. Et tu vis dans un trou-à-rats.
-...»
[Elle continue de parler pendant quelques minutes. Il n'écoute pas, grille cigarettes sur cigarettes. La pièce se fait lourde de fumée.]
«Il me semble pourtant t'avoir dit de fermer ta gueule.
-Comment est-ce qu'on va faire maintenant?
-A bien y réfléchir, y'a peut-être bien une solution.
-Ah oui, et quelle idée lumineuse as-tu eue?
-Il faudrait que tu meurs. Là, tu me foutrais la paix.»
[Il s'allonge sur le lit, boit une gorgée de whisky à même le goulot de la bouteille. Et ferme les yeux.]

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