Avec le crash de l’A320 de la Germanwings, l’univers insolite des effets pervers s’est tristement agrandi. En effet, la condition du drame (la solitude insidieuse d’un pilote kamikaze dans un cockpit fermé de façon hermétique) est la conséquence directe des mesures de sûreté aérienne prises au lendemain des attentats du 11 Septembre 2001 : par crainte de l’intrusion intempestive d’un terroriste ou d’un passager déséquilibré au sein du poste de pilotage, les autorités américaines ont imposé à l’ensemble des compagnies d’aviation de nouvelles procédures drastiques, censées écarter toute menace venue de l’extérieur, grâce à des portes blindées et des codes d’accès sécurisés à ces portes. Mais nul n’avait encore imaginé que le danger pourrait un jour venir de l’intérieur même de l’équipage, avec un pilote insensé se retranchant dans son cockpit comme dans un fort Chabrol volant, et en interdisant l’accès à son collègue, le commandant de bord dont les dernières paroles furent d’ailleurs : « Ouvre donc cette foutue porte ! » Mais cette supplique resta hélas lettre morte… A priori louables, ces mesures de protection pour éviter un nouveau 11 Septembre ont entraîné ainsi un terrible retour de manivelle, en provoquant la perte d’un appareil, avec tout son équipage et tous ses passagers ! Citant un commandant de bord sur A320 chez Air France, Le Monde (28-03-2015) rappelle d’ailleurs que la Fédération internationale des pilotes de ligne avait, dès 2001, « dénoncé » cette inversion des priorités, les autorités privilégiant ainsi la « sûreté » des appareils (où les cockpits sont transformables en bunkers), au détriment de la « sécurité » des passagers, dans la mesure où avant le 11 Septembre 2001, ces derniers auraient pu bien sûr prêter main forte au pilote pour neutraliser son collègue délirant ! Mais avec la condamnation des portes pour parer à tout acte de malveillance extérieure, les secours ne peuvent plus pénétrer rapidement en cabine : nouvelle et sinistre illustration de l’adage « Le mieux est l’ennemi du bien. »