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Se réinventer (sans jamais se sous-estimer)

Publié le 23 mars 2015 par Bobo Mademoiselle @bobo_mlle

Se réinventer (sans jamais se sous-estimer)Nous y voilà : j'ai bravé les interdits, fait un doigt d'honneur à tous ceux qui, incrédules, me répétaient de ne pas le faire et donné à ceux qui jusque là enviaient ma position beaucoup de sucre à me casser sur le dos (car dans le dos, c'est bien plus marrant, naturellement). Bref, j'ai donné ma démission et s'en est suivi un grand moment de soulagement. Un peu comme lorsqu'on vient de finir le dernier chapitre d'un roman qui démarrait bien mais dont la fin commençait à devenir longuette et les personnages de plus en plus décevants, et qu'on est enfin prêt à le refermer et à le ranger soigneusement dans les rayons de sa bibliothèque. Mais maintenant que puis-je lire/faire ?

Ami lecteur, je fais partie de ces gens qui considèrent leur vie professionnelle un peu comme leur vie amoureuse (bon sang que ma vie semble exaltante) : de mon point de vue, il n'est pas forcément nécessaire d'avoir trouvé le nouveau pour se séparer de l'ancien. Evidemment cela suppose de sortir pour un temps de sa zone de confort (je dois bien avouer qu'au même titre qu'il est bien commode de recevoir de l'argent tous les 1ers du mois, il est agréable d'avoir dans les parages quelqu'un qui prend soin de soi)(je suis faible et lâche) mais si le vieil adage " mieux vaut être seul que mal accompagné " s'applique à notre vie sentimentale, je ne vois absolument pas pourquoi il ne serait pas valable aussi dans notre vie professionnelle.

Nous y voilà, donc : l'heure est venue de mettre de nouveau ses plus beaux atours et de se lancer dans des rendez-vous de speed-dating professionnels. Alors finalement, pourquoi ne pas se réinventer. N'en étant pas à ma première reconversion, c'est tout naturellement que je me penche sur des offres d'emploi différentes du métier que j'exerce actuellement, pensant naïvement que l'expérience acquise au fil des sept dernières années et le décloisonnement du marché du travail qui aura forcément eu lieu entre temps me permettront sans trop de difficultés de m'ouvrir à d'autres horizons. J'ai été bien sotte d'imaginer une seconde que ce serait si simple mais comme dit le désormais célèbre proverbe twitterien " c'est en se plantant qu'on devient cultivé ". J'aurais donc quand même appris quelque chose de mon erreur : en sept ans la situation ne s'est pas amélioré, bien au contraire.

Si je veux changer de domaine d'activité, il va falloir accepter de faire des concessions, revenir en arrière, devenir ce " faux-débutant " si répandu dans les annonces de nos jours. Qu'à cela ne tienne, j'ai plus d'un tour dans mon sac : je serai une fausse-débutante-deluxe. C'est comme ça que, pas plus tard que le mois dernier, je passais l'un de mes premiers entretiens. Mon sens de l'éthique m'interdisant de donner le nom de cet organisme pour lequel je postulais, je vais, dans la suite de ce billet, t'en expliquer le contexte en usant d'une habile métaphore. Admettons que je sois aujourd'hui responsable du marketing chez Max Mara, l'un des leaders de l'habillement haute gamme. Dans ce cadre, ce serait comme si j'avais postulé chez Playtex (on reste donc plus ou moins dans le même domaine d'activité, mais pas tout à fait quand même), à un poste ayant pour seul objectif la relance du soutien-gorge " cœur croisé " : un poste de niche donc, doublé d'un vrai challenge, dans une entreprise qui se porte moins bien que celle de laquelle je viens (mais - si on préfère voir le verre à moitié plein - avec une grande marge de progression). Au cours de l'entretien, je vante mes expériences passées : l'introduction sur le marché de produits pionniers, le développement de projets internationaux, le savoir-faire acquis au sein d'une équipe dont l'efficacité a fait ses preuves. Pas de doute : je suis la candidate idéale. Si je suis parvenue à mener de front l'ensemble de ces missions, leur cœur croisé sera une promenade de santé. Sur ce point, nous tombons tous d'accord.

Ami lecteur, je suis loin de m'étouffer avec un égo démesuré et je n'ai pas tendance à avoir des accès de mégalomanie. Mais quand il s'agit de renoncer à 50% de mes responsabilités - et à fortiori à 50% de mon salaire - il me semble légitime de proposer de travailler à 50% aussi. C'est mathématiques. J'argumente donc cette proposition : le poste est enthousiasmant, j'ai du goût pour le défi (et crois moi, il en faut pour s'intéresser au cœur croisé), il ne fait aucun doute que mon parcours et ma personnalité apporteront une vraie valeur ajoutée à ce soutien-gorge (ami lecteur, comme tu peux le constater, je ne t'ai pas menti : je n'ai aucun amour-propre). Cela dit, étant donné qu'ils s'adressent à moi - quelqu'un d'expérimenté, qui ne peut imaginer de faire de la relance de ce soutien-gorge une occupation à plein temps - je leur propose une mission de conseil, me donnant la liberté de m'engager dans d'autres projets qui - soyons fous ! - pourraient même entrer en synergie avec le cœur croisé (si tant est que le cœur croisé puisse entrer en synergie avec quoi que ce soit). Proposition brutalement rejetée : le faux-débutant, qu'il soit " deluxe " ou non, n'a droit à aucun égard ni aucune considération, en tous cas résolument moins que le cœur croisé himself.

La conclusion de tout ça, ami lecteur, c'est que dans quelques semaines je n'aurai plus d'emploi. Mais le non-emploi me fait finalement moins peur (et moins suer) qu'un emploi où je ne serai pas reconnue à ma juste valeur. Le livre que je viens de ranger dans ma bibliothèque m'a demandée déjà suffisamment d'efforts, hors de question donc de saisir le premier navet venu, dont même le quatrième de couverture est peu convaincant. A partir de maintenant, c'est décidé, je concentre mes recherches au rayon des " livres dont on est le héros ".


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