J'ai toujours été fascinée par la nature humaine, les relations interpersonnelles, la façon dont des liens se tissent naturellement entre des personnes ou de façon artificielle, dans la lutte contre un ennemi commun, par exemple. Pas très bavarde, j'ai pris le temps d'observer d'abord les membres de ma famille, mes camarades de classe et enfin mes collègues de travail se rapprocher puis s'éloigner, former des clans puis les détruire. J'évite de me sentir concernée par les intrigues, qui me ferait perdre mon précieux statut d'observateur. Et quand bien même je le serais, je renonce à entrer dans la polémique, considérant que la prise de parole dans certains types de situations n'est ni nécessaire, ni indispensable (attention, ami lecteur, je t'entends une fois plus murmurer dans ta barbe que je suis une poule mouillée incapable de prendre position, même quand cela s'impose : tu essaies de polémiquer, donc. Comme je viens de l'expliquer plus haut, je n'en ferais rien. Tu te trompes mais loin de moi l'envie de t'empêcher de laisser libre cours à ton imagination, déplacée certes, mais je préfère rester fidèle à mes principes).
Un corollaire immédiat de ce trait saillant de ma personnalité est que j'ai toujours eu horreur des gens qui parlent à tort et à raison, qui ignorent mais qui affirment. J'ai longtemps cru qu'avant d'exprimer une idée, il fallait avoir la légitimité de prendre la parole, une expérience à revendre, un truc intéressant à dire. Pourtant dès mon plus jeune âge, j'avais bien dû me rendre à l'évidence : nombreux étaient ceux qui, déjà à l'école, parlaient fort et de travers, à coups de théories fumeuses pour fasciner mais surtout, bien souvent, pour se donner une contenance. Qui n'a pas connu au collège les caïds à l'aise et sûrs d'eux, qui semblaient revêtus d'une autorité naturelle et qui, malgré leurs discours inutiles, parvenaient à rassembler autour d'eux une foule d'adeptes (mais si, souviens-toi, ces grandes gueules qui t'impressionnaient tant quand tu étais petit, ceux qui aujourd'hui bipent ton paquet de céréales à la caisse de la supérette de la ville dans laquelle tu as grandi)(sans aucune arrière-pensée pour les caissiers/ières bien entendu, mais je me dis qu'il y a là un vrai gâchis de bagou, car, vu leur côte de popularité à l'époque, on se serait plutôt attendu à les apercevoir sur les bancs de l'assemblée).
En tout état de cause, ceci est l'une des raisons qui m'a convaincue à étudier les matières scientifiques. Dans le monde des mathématiques, il n'y a pas de place pour l'autorité : c'est celui qui fait la bonne démonstration qui a raison. Pas de place pour le jugement personnel, le propos subjectif ou l'arbitraire : tant que les mathématiques ne seront pas une opinion, c'est le seul domaine dans lequel il sera possible de s'imposer par la justesse de son raisonnement et la perspicacité de ses solutions.
J'ai gardé de ce parcours cette fâcheuse tendance à tout vouloir formaliser, démontrer et justifier à grands renforts de théorèmes et de lois. C'est pourquoi, avant de le juger, j'essaie de comprendre un comportement qui de prime abord m'échappe : résulte-t-il de l'une de mes actions ? Est-il la suite logique d'une concaténation d'événements ? Vers quoi peut-il raisonnablement déboucher ? Ami lecteur, je te délivre ici la conclusion de mon analyse (je l'avoue, elle a été succincte mais suffisamment éreintante pour que je décide de vivre en ermite pendant plusieurs mois) : certaines personnes se sont tout simplement donné rendez-vous pour te pourrir la vie, je ne vois aucune autre explication.
Qui par ignorance, qui par jalousie, qui par méchanceté, chacun aura ses raisons propres (et parfaitement justifiées au regard de sa capacité à voir plus loin que le bout de son nez) pour venir t'emmerder. Ils sont donc là, ces empêcheurs de tourner en rond. Ils sont partout et nous le savons. Inutile, donc, de les fuir puisque partout où tu te dirigeras, tu en trouveras forcément deux ou trois (finalement leur nombre importe peu, souvent un seul suffit) pour, ponctuellement, réveiller ta tachycardie ou tes insomnies. Ton degré de tolérance dépend bien évidemment de différents facteurs : ton niveau de satisfaction globale dans la vie, le temps que tu passes avec eux et le contexte dans lequel tu les croises (attention : un empêcheur de tourner en rond peut s'avérer paradoxalement beaucoup plus emmerdant sur une plage de sable fin qu'en milieu urbain, dans l'open space d'une tour de verre de La Défense par exemple), leur méthode d'approche (frontale et agressive ou sournoise et par derrière).
Pour ma part, j'ai recensé cinq typologies d'empêcheurs de tourner en rond. Alors non : ils ne sont pas à l'origine de mes choix de départ, de changement et de mouvement. Mais comme beaucoup d'autres choses, ils font partie des aléas du territoire qui peuvent faire dévier une trajectoire. Le portrait robot de ces cinq emmerdeurs et les méthodes d'esquive que j'ai développées avec le temps ? Stay tuned (#TeasingDeOuf).