Pâques d’hier

En 1993 m’était venu l’idée de tenir un journal, une idée qui ne fit pas long feu puisqu’abandonnée après seulement deux jours. Je viens de retrouver cet embryon dans un petit carnet qui dormait au fond d’un de mes tiroirs et, coïncidence, nous étions alors en période pascale. Je retranscris ces notes datées du samedi 10 avril 1993 :

« Week-end de Pâques à Paris envahi par les touristes qui déambulent hagards, le caméscope au bord de l’œil, comme une prothèse moderne. Quand l’œil devient mémoire, enregistrer ce que l’on voit, puis regarder ce qu’on a filmé. En cette fin de XXème siècle, tout passe par l’image. Ce qui n’est pas image n’est pas.

Retour dans les jardins du Luxembourg pour y lire mon journal en fin de matinée. Depuis l’été dernier quelques changements, de nouvelles bâtisses, de nouvelles statues et de nouveaux courts de tennis. Tout est propre, les arbres ne sont pas encore luxuriants et leur coupe fraiche les a rajeunis. Dans les allées, les joggeurs joggent. Fidèles aux lieux, des amateurs de tai-chi s’exercent à leur art avec sérieux et calme. Cette gymnastique chinoise au ralenti, tout le contraire de l’aérobic bruyante et agitée, dégage une aura de sérénité qui tranche avec le monde moderne. A regarder ces gymnastes, un flou m’envahit ; les yeux habitués aux images qui défilent, se coupent, s’arrêtent et repartent, sont déconcertés par ces mouvements si lents. Le cerveau patine, n’étant plus dans le rythme. L’effet anesthésiant est saisissant. »

Ces notes datent de vingt ans et rien n’a changé depuis. Les jardins du Luxembourg sont toujours l’un de mes lieux de sortie préférés à Paris, les joggeurs courent toujours devant le Sénat et les silencieux amateurs de tai-chi assouplissent toujours eux aussi leurs membres sous les châtaigniers. L’image est toujours reine même si le caméscope a peut-être été remplacé par le Smartphone…