La semaine dernière, j'ai eu envie de me replonger dans un classique de la littérature anglaise : Orgueil et préjugés de Jane Austen. J'avais déjà lu ce monument de l'époque géorgienne il y a quelques années, et je l'ai, cette fois-ci, encore plus apprécié qu'à ma première lecture.
Etre et paraître dans la noblesse victorienne Je crois que les deux premières phrases du roman résument à elles seules beaucoup de choses :
C'est une vérité presque incontestable qu'un jeune homme en possession d'une grande fortune doit avoir besoin d'une épouse. Bien que les sentiments et les goûts d'un tel homme ne soient pas connus, aussitôt qu'il vient se fixer dans une province, les familles du voisinage le regardent comme un bien qui doit dans peu appartenir à l'une ou l'autre de leurs filles. (p. 5)Petite famille de la gentry anglaise, les Bennet ont cinq filles en âge de se marier, ce qui est devenu la préoccupation première de leur mère. Lorsqu'un jeune noble très riche arrive de Londres pour s'installer dans la propriété voisine de la leur, c'est le branle-bas de combat : l'une des filles Bennet doit devenir son épouse.
On pourrait croire qu'Orgueil et préjugés n'est qu'un récit linéaire sur le mariage des filles Bennet et les relations tantôt glaciales, tantôt passionnées entre les différents personnages du roman. Il y a de cela, mais pas seulement. Ce que j'aime particulièrement dans ce livre, c'est la vanité et, au fond, la stupidité de la noblesse géorgienne, qui transparaît à travers le tableau de la société que peint Jane Austen. Les codes de conduite ne reposent que sur une chose : le rang (et, au passage, la richesse personnelle qui va avec). Peu importe alors qu'untel soit éperdument amoureux d'unetelle, si les familles ne sont pas du même rang, cela donnera un mariage déshonorant qui jettera l'opprobre sur le reste de la lignée.
A travers le personnage d'Elizabeth Bennet, cette jeune fille intelligente et malicieuse qui n'a pas son pareil pour lire le véritable caractère des gens, Jane Austen se moque de cette société du paraître, aux rapports hypocrites et à l'orgueil débordant. Elizabeth, tout en respectant les codes de conduite, affirme son indépendance et sa vivacité d'esprit, ce qui en fait l'une des héroïnes les plus intéressantes (à mon sens) de la littérature classique. Cette liberté qu'elle revendique me fait penser à une autre femme de la littérature anglaise, Jane Eyre, apparue quelques années plus tard sous la plume de Charlotte Brontë.
En plus des personnages, j'aime le style élégant mais vif et plein d'humour de Jane Austen, qui ne manque jamais une occasion de tourner un personnage en ridicule (je pense notamment à Mrs Bennet, Mr Collins et Lady Catherine) et de faire sourire son lecteur. A noter : j'ai lu Orgueil et préjugés dans une réédition parue cette année chez Milady, dont la traduction a été révisée, et qui souligne parfaitement l'ironie et la satire qui sous-tendent toute l'oeuvre. Un chef-d'oeuvre à lire absolument !
Orgueil et préjugés de Jane Austen, Milady Romance, 2015, 524 pages