Ibicus (Rabaté)

Publié le 09 mars 2015 par Olivbd

Pascal Rabaté, amateur de chroniques paysannes (Un ver dans le fruit, Les petits ruisseaux), et de chroniques sociales (Bienvenue à Joburg, Le petit rien tout neuf avec un ventre jaune) s'est consacré à une adaptation graphique en quatre tomes pour nous délivrer une chronique socialo-prolétaire ! Regroupé dans une intégrale d'environ 530 pages, Pascal Rabaté s'est inspiré du roman éponyme d'Alexis Tolstoï (1883-1945), sur le destin de l'escroc Siméon Nevzorov pendant la révolution russe. Un aboutissement qui a occupé l'auteur sur presque cinq années (de 1998 à 2001).

« Nous envoûtons et évitons en voûtant là, évitant ci,  soit éviteur, soit envoûteur, si évitail, la envoûtail.  Hors d'évitoir le regard d'envoûtoir. Voici évitanfier, voici envoûtandier. Envoûtiers ! Évitiers ! Évitien ! Envoûtien ! Envoûtesse et évitesse. Évite et envoute. »

Tel un coup de cœur sur une lecture auquel on ne s'attendais pas, l'histoire commence comme une anecdote romanesque pour Pascal Rabaté (à lire sur la quatrième de couverture de l'intégrale reprise à la fin de cette chronique). En pleine révolution bolchévique, le roman historique Ibycus raconte la fuite en avant d'un petit fonctionnaire, comptable devenu fripon. Nous sommes en 1917, les émeutes de Pétrograd (Saint -Petersbourg d'aujourd'hui) font dates, les aristocrates sont chassés et l'armée est passée du côté du peuple. Le renversement du régime tsariste est proche... Mais la prophétie tourne autour de notre anti-héros, Siméon Nevzorov. Une gitane lui aurait prédit réussite sociale et richesse quand le monde s'écroulera dans le feu et le sang, quand la guerre rentrera dans les maisons...  

Fort de cette prédiction le concernant, Siméon Nevsorov s'invente plusieurs vie. Tour à tour comte, gérant de maison de jeux, indic ou encore maquereau, Siméon s'adapte face aux événements extérieur et de rebondissements en rebondissements il nous emporte dans son univers capharnaüm. Car celui qui tire au sort toutes ses décisions... il ne lui arrivera pas plus de mal qu'aux autres qui réfléchissent ! Ibicus signifiant " Le crane qui parle... ".

Réalisé au lavis sans le moindre trait, tout ou presque dans la déformation, le noir et blanc de Pascal Rabaté est dilué magnifiquement. Dans une technique picturale consistant à n'utiliser qu'une seule couleur (l'encre de chine), il obtient différentes intensités aux nuances subtiles et surtout surprenantes. D'une beauté particulière, le graphisme très libre de l'auteur envoute, transporte et caricature les personnages. Entremêlant drame et poésie, le dessin est sensuel parfois (sentimental), crispant à d'autres fois (sombre). Le rythme suit une construction cinématographique, entre les silences et les nombreux dialogues, c'est passionnant !

L'exercice est périlleux pour Pascal Rabaté, adapter une édition de 1926 d'un auteur inconnu (Alexis Tolstoï), et de surcroît décédé en plus d'être stalinien ! Le résultat est plus qu'un hommage au romantisme russe, c'est une histoire de survie rocambolesque et fantasque dans une période trouble de l'effondrement de la Russie Impériale. En somme, c'est une critique de la société capitaliste de l'époque autour d'un homme qui ne se laisse pas abattre si facilement, lui (Ibicus) le roi de la vie !

Goulûment rabelaisien !

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©L'esprit des Péninsules Tolstoï (Juin 1998)    ©Vents d'Ouest Rabaté - Livre 1 (1998) / Livre 2 (1999) / Livre 3 (2000) / Livre 4 (2001) ©Payot et Rivages Tolstoï (Mars 2005) Ibicus Intégrale Rabaté, Pascal D'après le roman d'Alexis Tolstoï Édition : Vents d'Ouest

©Vents d'Ouest 2005 Rabaté - Couverture de l'Intégrale

Juillet 1993. Faisant les puces, je tombe sur un bouquin de Tolstoï, « Ibicus », une édition de 1926 illustrée de gravure sur bois.
Bonne affaire : 3 francs !
A la maison, mince, j'avais pas fait gaffe, c'est pas le Tolstoï de « Guerre et Paix », c'est Léon, c'est Alexis ! Allez, en attente : on le lira quand on aura rien d'autre !
Trois mois passent, huit heures du soir, j'ai plus rien à lire, je me tape l'incunable. Au petit matin je le repose, fini...
Coup de foudre ! La matière est là : c'est décidé, je l'adapte.
Mon adaptation est libre, mais j'ai cependant essayé de respecter l'esprit de l'auteur. Ceci dit je m'en fous, c'était un stalinien et il est mort !
De toutes façons, les lecteurs pourront toujours comparer avec le roman.
Pascal Rabaté

Quatrième de Couverture

©Vents d'Ouest 2005 Rabaté

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