J'ai été bien causant, causant pour ainsi dire par plaisir de causer. Entièrement voué à la cause du verbe, j'en ai brodé l'essence au revers de toutes mes faillites. Écrire pour raconter qu'hier entre le coucher et ce matin le lever, j'ai dormi avec plus ou moins de bonheur, écrire le mimétisme du grain de sable dans le désert, l'homme couché sous un porche, la haine automatique qu'inspire l'ordre révisionniste, écrire adossé au parapet des falaises la chute sans cesse finissant par faire un bruit de fiente, écrire en toutes circonstances le rien protégé par l'écorce du sens. Appuyer les syllabes aux sons et les sons les pousser à bouleverser l'invariable du morne, écrire pour que le détail insignifiant d'une vie ne reste pas sans mémoire ni sans feu et qu'au moins le lieu de la page soit l'El Dorado, le pays retrouvé, l'Ithaque de l'éternel naufragé.
J'ai été bien causant, baveux dont le fond d'un voeux est resté imprononçable. Au prêche comme à la charge, à la forge aux prises avec les escarbilles de la ponctuation et l'odeur de soie brûlée qu'elle dégage quand on l'a posée semée jetée au vol d'une large main, sans considération pour l'arythmie cardiaque du lecteur. Son manque de souffle, son désir de comprendre le trait fort en laissant de côté l'esquisse préparatoire, cette ligne claire qui le hante depuis qu'il sait que la terre est ronde et que tout l'art consiste à redresser l'horizon au dessus de l'alignement des croix. Organique lecteur.
Alors Lephauste ! Me lance le maître mot, en voilà bien trois cent ? Trois cent qui valent pour un et un qui fait bien peu au regards des secondes écourtées, des heures entassées sous la table bancale, des journées entières enroulées au vol d'une mouche obsédée par la décomposition.
Et pour conclure ? Pour conclure, rien qui ne puisse encore se dire sans feindre l'envie du mot FIN.