Ma vie aussi, que j’avais jusqu’alors tellement appréciée, avait perdu de sa saveur. Les voyages commencèrent à m’ennuyer, les villes finissaient par toutes se ressembler, un peu comme les hommes d’ailleurs. Je partais un temps mais finissais inéluctablement par revenir au point de départ, à quoi bon donc une telle évasion ? Mon travail n’échappa pas à mon malaise. Je n’y trouvais plus aucune satisfaction, et, pour combler le tout, je tombai gravement malade au retour d’un séjour au Carnaval de Venise.
Un docteur shooté à la connerie du service des urgences dans lequel j’atterris me diagnostiqua (incorrectement) une hernie. Clouée au lit d’interminables journées, je pris pour la première fois conscience de ma solitude. J’étais dans un pays étranger –bien qu’à cette époque même la France, ou surtout la France, m’était étrangère-, j’avais certes de nombreux amis mais personne de vraiment très proche, et surtout aucun membre de ma famille pour me consoler. Je crois que c’est dans ce genre de situation qu’on se rend compte de l’importance de celle-ci.
Pour la première fois depuis mon arrivée dans ce pays j’étais donc seule, vraiment seule.
En près de deux ans, j’avais toujours travaillé ou voyagé et, d’un jour à l’autre, je devais rester alitée avec pour unique compagnie des pensées non pas fictionnelles, comme je les affectionnais, mais purement existentielles.
Qu’allais-je faire de ma vie ?
La fameuse question que je me posais déjà il y a deux ans. J’en revenais donc au point de départ. A croire que l’existence est ainsi faite : on passe notre temps à se poser cette question jusqu’au jour où on réalise qu’on est vieux et usé. Alors on se retourne et on se dit : « qu’ai-je fait de ma vie ? ». Et la réponse est « rien » car on a passé son temps à tenter de répondre à la première question.