Chloé : Sans moi, merci.

Publié le 23 avril 2015 par Legraoully @LeGraoullyOff

« Parmi les cris des loups, on entend pas le mien. » (Georges Brassens)

Non. Non, n’insistez pas. Non, je ne rejoindrai aucun groupe de soutien à la petite Chloé, ni sur Internet ni dans la vraie vie. Je ne participerai à aucune manifestation.

Ce n’est pas que cette histoire m’indiffère complètement. Évidemment que c’est abominable d’enlever, de violer et d’assassiner une fillette. C’est justement parce qu’un tel acte est horrible que je ne veux pas rejoindre un quelconque groupe de soutien, car je veux que l’assassin soit jugé et châtié comme il le mérite, c’est-à-dire d’abord dans les règles car, tout criminel qu’il est, il reste malgré tout un être humain (ne perdez pas de vue que ce genre de crime, aussi horrible soit-il, est tout ce qu’il y a de plus humain car aucun animal ne ferait ça) ; je me refuse donc à rejoindre un rassemblement de gueulards qui ne manqueront pas de perturber les magistrats : je n’empêcherai pas la justice de travailler dans la plus grande sérénité requise, je ne veux pas qu’un quelconque ressentiment, aussi légitime soit-il, se substitue au droit que je veux voir triompher.

D’autre part, je ne veux pas non plus me retrouver en train de manifester aux côtés des inévitables rombières débiles qui réclament le rétablissement de la peine de mort au moindre fait divers sordide. Je ne veux pas non plus faire cause commune avec les crétins xénophobes qui ont sûrement été trop contents d’apprendre que l’assassin présumé était polonais et d’avoir ainsi un prétexte supplémentaire pour cracher sur les immigrés en général et sur l’Europe en particulier. Je ne veux pas non plus donner raison à ceux qui demandent la démission de Christiane Taubira chaque fois que la justice fait une erreur : ils « oublient » que dame Justice faisait déjà des conneries avant que madame Taubira devienne garde des sceaux ; la justice ne peut pas être parfaite pour la bonne raison qu’elle est humaine. De toute façon, s’il est exact que l’assassin avait déjà fait de la prison, ça prouve bien que l’enfermement systématique ne guérit pas des pulsions criminelles, loin s’en faut. Alors que faire, me direz-vous ? Je ne sais pas, mais en tout cas, je ne veux pas d’une justice qui ferait des Patrick Dils par milliers : je préfère un coupable en liberté à un innocent en prison. Car votre petite Chloé, elle, ne souffre plus, tandis que les innocents incarcérés continuent à souffrir même des années après leur libération. Et enfin, pour quelques erreurs qui font le premier titre du JT de Pernault, combien de jugements rendus avec raison et dont on ne parle jamais puisqu’ils n’ont pas de conséquences tragiques et sont donc voués à rester invisibles ?

Toute cette faune qui monte au créneau à chaque meurtre de gosse, je la connais. Ce sont toujours les mêmes : ce sont eux aussi qui ont pris la défense du bijoutier de Nice, ce sont eux aussi qui ont retiré leur gosses des écoles quand on leur a mis sous le nez cette histoire abracadabrante de « théorie du genre », ce sont eux qui adressent des messages d’insultes voire de menace à leurs voisins au moindre raffut, ce sont toujours eux qui sortent de leurs gonds chaque fois que sort un livre, un film ou une pièce où l’on dit des gros mots et où l’on parle de cul ; on les retrouve souvent dans les rangs de la « manif pour tous ». Ils ont tous en commun d’avoir une conscience politique façonnée par TF1 et Le Figaro ; même s’ils ne s’en rendent pas compte, ils ne pensent pas un mot des conneries qu’ils profèrent, ils ne font que rabâcher les certitudes merdiques (un pléonasme, excusez-moi) que leur ont inculquées leurs parents, leurs chefs scouts et leurs vicaires. Non, non, et non, je ne serai jamais des leurs. La mémoire d’une petite fille mérite mieux que des connards pareils. Et puis, de toute façon, comme tout le monde aura oublié dans un mois…

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