Hier est survenue encore une petite coïncidence comme je les aime. J'étais à la rédaction, et mon patron m'a fort généreusement offert un livre sur le journaliste et écrivain Roger Vailland dont nous allons publier, dans le prochain numéro, les bonnes feuilles. Dans le métro en revenant chez moi, j'ouvre ledit bouquin et je lis, premier paragraphe : "J'ai passé les dix premières années de ma vie à deux pas de la rue Mouffetard - de la Mouffe, comme on disait dans le quartier -, dans l'immeuble qui fait l'angle de la rue Flatters et de la rue Berthollet. Nous habitions au quatrième, sur le même palier que Charles Péguy."
Stupeur ! J'habite à - disons - cinquante mètres de l'immeuble en question ! J'ignorais tout de cet ancien et prestigieux voisinage ! Charles Péguy, dont les œuvres complètes (à la Pléiade...) m'ont été offertes l'année passée et Roger Vailland, illustre confrère dont j'ai très souvent entendu parler dans ma famille mais que, à ma grande honte, j'avoue ne jamais avoir lu !
Je poursuis ma lecture et je découvre avec beaucoup d'étonnement que depuis cent ans, peu de choses ont changé dans le quartier. Les magasins d'alimentation et le marché sont (presque) les mêmes, et si le prix du mètre carré à grimpé, l'essentiel des habitants présentent toujours le même profil pluriel, la "mixité sociale", comme on dit désormais, a perduré. Je cite : "La rue Mouffetard est le grand marché du 5ème arrondissement. On y vendait et on y vend toutes les sortes de nourritures, les plus riches comme les plus pauvres. C'est que dans le 5ème se côtoient toutes les classes, toutes les couches sociales et toutes les nations du monde. Le 5ème, avec les grands bourgeois du boulevard Saint-Germain, les universitaires de la rue Soufflot et de la rue Gay-Lussac, les étudiants de toutes couleurs, les ouvriers français de la rue Broca, les Algériens de la rue de l'Arbalète, les clochards de la place des Patriarches, les petits-bourgeois de la rue Berthollet, le 5ème est une capitale à lui tout seul. [...]"
Ce morceau d'article signé par Roger Vailland, paru dans l'Humanité-Dimanche du 31 janvier 1954 sous le titre "Enfants de la Mouffe" est encore tout à fait d'actualité. On peut peut-être ajouter des Tunisiens aux Algériens et quelques cadres aux petits-bourgeois - encore que cela puisse être les mêmes sous une appellation différente - et le portrait est parfaitement exact.
Une pierre dans le jardin de ce sombre abruti qui s'était mis en tête, un soir de dîner familial, de brosser une caricature aussi fausse que stupide de ce quartier où j'habite depuis trente ans, alignant préjugés et idées reçues dans une logorrhée d'une rare bêtise.
Lisez plutôt ce livre, compilations d'articles de Roger Vailland, intitulé Sacré métier ! Roger Vailland journaliste, aux éditions Le Temps des cerises, 500 pages que je devine excellentes autant qu'engagées, pour 22 € seulement... "Il est beau, il est beau, il est beau mon bouquin !!!" devraient crier les marchands de la Mouffe...
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