Lundi matin à bord du 8h27...
- Alors ce mariage ?
Le type qui avait posé la question avait une bonne trentaine, un visage jeune et poupon malgré ses tempes déjà illuminées par quelques cheveux blancs. En ce début d'été, il portait une chemisette crème à fines rayures et un pantalon de costume marron. Sa veste masquait en partie le porte-documents qu'il avait posé sur ses genoux. Curieuse, je lorgnai sur les mains de l'homme à qui il avait posé la question. Aucune alliance ne brillait à son doigt. Ce n'était donc pas lui le jeune marié. Un peu plus âgé que son co-voyageur, il portait un jean noir et une chemise blanche. Assis sur la banquette en face de moi, je pouvais apercevoir ses chaussures noires, sans doute de grande marque, surmontées par de fines socquettes blanches découvertes par son pantalon relevé au dessus des chevilles dévoilant des mollets très poilus! Son visage était plus avenant, un regard souriant, une large bouche sur un menton carré lui donnait fière allure. Encore célibataire…
Il répondit à son interlocuteur avec enthousiasme
- Oh, c’était très sympa. Un peu guindé au début mais on s’est quand même bien marré. La famille de ma belle-sœur avait loué un château à quarante kilomètres de Paris.
- Oui, grande classe.
- Ils ont du fric et font les choses en grand. Mon frangin a trouvé un beau parti, comme on dit.
- Une famille de bourg’ ? Ça va le changer !
- C’est ça l’amour …, lança-t-il d'une voix grave, teintée du léger accent italien des parrains américains. Plus sérieusement, il poursuivit: Magali est une chouette fille. Une famille un peu à cheval sur les principes, mais bon elle est cool pas aussi snob que ses parents. Je ne les avais jamais rencontrés, mais ils m’ont bien fait rire.
- Pourquoi ?
- Tout devait être parfait, calculé au millimètre près. Sa mère s’est imposée en inspectrice des travaux finis, très exigeante mais un peu méprisante avec le "petit personnel"
Ses paroles étaient ponctuées de gestes, de regards expressifs, de petits rires si séduisants…
- Ça t’a pas donné envie ?
- De quoi ?
- De te marier !
- Ah non, t’es fou ! s'exclama-t-il. J’ai le temps.
- Hé, la petite trentaine, faudrait y penser.
- C’est bien ce que je dis, j’ai le temps, je suis bien ainsi. Je ne me vois pas vivre avec une nana vingt quatre heures sur vingt quatre. Mon frangin, lui c’est un grand romantique, il est plus jeune que moi et pourtant, il rêvait déjà de vivre en couple, de construire une famille. Il avait envie d'un beau mariage, il en avait sans doute besoin et je suis très heureux pour lui.
- Vous avez dormi là-bas ?
- Oui, des chambres étaient disponibles pour la famille proche. Mes parents étaient aux anges, ils n’avaient jamais imaginé dormir dans une chambre princière. Un lit à baldaquin, des tapis sur un parquet marqueterie, des tentures, une magnifique cheminée et tout le tintouin !
- Et toi ?
- Je devais partager une chambre avec mon cousin. Une belle chambre, soit, mais j'en ai choisie une plus simple, plus chaleureuse…
Les yeux de son interlocuteur brillèrent d'un éclat plus intense.
- Je vois, mieux accompagnée, tu veux dire!…
Très célibataire en effet!
- Oui…
- Ah! Tu vois! Sais-tu que de nombreuses personnes rencontrent leur future femme ou mari au cours d’un mariage.
- Oh, déconne pas !! Allez on zappe.
- J’en déduis que ce n’était pas terrible…
Un risque prévisible lorsqu'on tire dans tous les coins! Manque de discernement le tombeur?
- OK, ça va. C'est pas grave, le pire, c'est que pour mon frère non plus, ça n’a pas été terrible.
- Non! Tu plaisantes ?
- Pas du tout.
- Raconte, suggéra-t-il, les pupilles dilatées pas la curiosité.
Oui raconte! J'en avais presque honte! Ma curiosité excitée à ce point. Un vrai bonheur lorsqu'on découvre enfin le mot de la fin!
- Il avait tout prévu. Une nuit de noce dans la chambre nuptiale. Une nuit mémorable. Il m’avait fait visiter la chambre en fin de soirée. Un truc de fou ! C’était une surprise pour Magali. Des bouquets de roses autour du lit. Un superbe lit en bois recouvert d’un tissu de satin rose pâle sur lequel il avait déposé des pétales de roses, il avait commandé la bouteille de champagne qui trônait dans un seau de glace.
- Whaou !
- Sauf que… Ce qu’il n’avait pas prévu c’est qu’il avait un peu trop bu et quand il a voulu ouvrir la bouteille, le champagne a jailli sur le lit, inondé le dessus le lit et détrempé les pétales de roses. Imagine le tableau la composition florale métamorphosée en un étalage de feuilles mortes en décomposition dans un caniveau. Elle a dormi dans le lit sur l’espace à peu près sec et lui…, dans le fauteuil !