Les choses ne semblent pas s'arranger en ce moment. Après une grande marche dont on aurait bien voulu qu'elle débouche sur quelque chose de vraiment positif, voilà que de plus en plus de voix s'élèvent pour dénoncer Charlie Hebdo et les dessins qu'ils ont pu produire par le passé et ceux qu'ils ont produits très récemment.
Ailleurs dans le monde, des manifestations plus qu'anecdotiques réunissent des dizaines de milliers de personnes qui scandent leur haine de Charlie Hebdo et des caricatures en particulier. Dans ces pays, là où le droit de manifester n'est pas franchement une habitude et n'est quasiment jamais autorisé, des dizaines de milliers de personnes, d'hommes dans la très grande majorité, dans les rues signifie que bien plus sont en fait d'accord avec eux.
Le Pape lui-même, suivi du représentant du CFCM, y va de son couplet sur la responsabilité des caricaturistes. Ce qui en langage diplomatique, signifie simplement : vous avez peut-être le droit de dessiner, mais ne vous en servez surtout pas ! On se croirait revenu deux cents ans en arrière, quand les curés décidaient de ce qui était bien ou mal en France ! C'est une sacrée reculade à laquelle nous assistons.
On sent bien que les catholiques les plus durs n'attendaient que ce prétexte pour enfin essayer de faire oublier les couleuvres qu'ils/elles ont dû avaler, et celles qu'ils/elles vont continuer à avaler. Ah ! Faire revenir le blasphème dans le droit français, faire revenir la morale stricte du 19ème siècle, celle qui n'avait pas encore été piétinée par la loi de 1905, par la pilule, par le droit à l'avortement, par le mariage pour tous et par les autres lois qui seront peut-être votées plus tard.
On sent bien que ces catholiques là, qui n'avaient plus vraiment la faculté de manifester, se retrouvent tout à coup à côté des musulmans qui eux craignent, à raison, d'être tous mis dans le même sac que Les frères Kouachi ou A Coulibali. Et comme les musulmans, même les plus modérés ne sont pas majoritairement en phase avec les caricatures de CH, les catholiques, le Pape en tête, s'accrochent à la locomotive en espérant en profiter un peu.
Bien sûr, Hollande ou Valls ont, du bout des lèvres, rappelé que la France était depuis plusieurs centaines d'années une terre de liberté où la caricature est un art. Mais pas trop. Il s'agit de ne froisser personne. Ou plutôt personne en dehors des athées.
Parce que c'est quelque chose qui m'a toujours étonné. Les catholiques peuvent se sentir outragés par une caricature de Jesus, les musulmans peuvent se sentir outragés par une caricature de Mahomet, mais les athées ne pourraient pas se sentir outragés par toutes les représentation de Dieu, d'Allah, de Yave ou que sais-je. Pourquoi un athée véritable ne serait pas agacé de ne pouvoir se promener sans tomber sur une église, un crucifix, une synagogue, une mosquée ? Pourquoi un athée ne serait pas incommodé chaque fois qu'un prêtre, un imam ou un rabbin vient prendre la parole à la télévision pour parler de religion et pour expliquer que ceux qui ne croient pas en Dieu n'auront pas droit à la vie éternelle alors que les athées ne croient ni en Dieu ni à la vie éternelle ?
Or, dans leur grande majorité, les athées ne brûlent pas les églises (il y en a beaucoup et de très jolies partout dans le monde), ne tirent pas à vue sur les prêtre, sauf parfois avec un stylo et du papier. Ils ne font pas tout ça parce qu'ils/elles estiment qu'il y a de la place pour tous, et que même s'ils (ou elles) sont blessés quotidiennement, c'est un mal nécessaire pour pouvoir vire ensemble. Et bien c'est tout ce qu'on demande aux musulmans ou aux catholiques (et aux autres). Qu'ils nous laissent vivre selon nos préceptes et nous les laissons vivre selon les leurs.
Si Charlie Hebdo ne peut plus caricaturer les religieux et la religion, alors il était inutile de faire tout ça, et Charb, Cabu, Volinski et tous les autres seraient morts pour rien. Il ne faut surtout pas que cela arrive !