(Message des écrivains à leurs lecteurs)
Tu m’as pris mon âme lorsque je vivais
Tu t’accapareras mon souvenir lorsque je trépasserai.
Le sang de l’écrivain imprègne chacun de ses mots
qui fusent dans tes veines et coulent dans ton esprit à flots.
A peine couchée, l’histoire ne nous appartient plus
Prisonnier de Ton jugement, Ta Volonté, Ta Raison,
Tel un juge impitoyable de la fiction,
Tu en abreuveras ton esprit assoiffé de lettres tant attendues.
Une fois lâché, le Créateur perd tout pouvoir sur son avorton
Le livrant à ses lecteurs comme un enfant dans l’arène des lions
Au milieu des spectateurs, Il le voit malmené, lacéré, dévoré.
Impuissant face aux délires de la foule déchaînée,
Il tremble : l’enfant survivra-t-il face à si peu de pitié ?
Son cœur bat à tout rompre, prêt à se fendre, prêt à exploser.
Montreront-ils du respect, feront-ils preuve de compassion, de piété ?
Ou le jetteront-ils, tout comme son enfant, dans la fosse des pestiférés ?
Et s’ils l’enfermaient dans les oubliettes du mépris ?
L’écrivain ne survivrait pas prostré ainsi dans les ténèbres de l’oubli.
C’est qu’un écrivain sans lecteur n’a pas de raison d’exister
Tout comme un lecteur sans écrivain ne pourrait nourrir son esprit,
Le condamnant à dépérir dans les limbes gris de l’inanité,
A ramper dans le Néant, dans l’obscurité, à s’enliser dans la folie.
Liés à jamais l’un à l’autre dans notre passion comme Sisyphe à son rocher,
Se Méfiant, s’adorant, se méprisant, se craignant,
Tels des héros de l’absurde, punis par le Tout Puissant,
Car l’un s’octroie le droit de créer, et l’autre de juger.
Contraints à vivre ensemble comme des frères damnés.
Tel est notre malheur.
Tel est notre bonheur.
Telle est notre destinée.
Gipsy Paladini