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Prendre son pied (avec modération)

Publié le 11 mai 2015 par Bobo Mademoiselle @bobo_mlle

Prendre son pied (avec modération)C'est exactement ce que je vais faire : prendre cette expression au pied de la lettre et me saisir d'un pied, puis de l'autre, et les couper. Parce qu'à force de chercher à le prendre, ce foutu pied, j'y ai collectionné pas moins de dix ampoules, sur tous ses points d'appui au sol. Si maintenant je prends mon pied, c'est surtout pour y coller des compeed.

Je savais que j'avais de la route à faire, je m'étais donc dotée de chaussures confortables. Je savais aussi qu'à un moment de cette semaine frénétique, j'allais devoir piétiner plusieurs heures sur des talons de 10 cm. J'avais même investi dans une bulle de silicone shopping&dancing que j'avais négligemment glissé sur la semelle de mes escarpins. Ami lecteur, malgré toutes ces précautions, mes pieds ressemblent aujourd'hui à ceux d'un rat de l'opéra à la retraite, qui aurait morflé sur ses pointes pendant des années, le coup de pied et la grâce en moins (j'ai le pied potelé et sujet au gonflement, goddamnit). J'ai tout essayé : pansement, bain d'eau salée, huile d'olive et crème anti-inflammatoire. Je n'ai pas encore tenté la compresse d'escalopes de dinde crues mais c'est une question d'heures (le dimanche, tous les bouchers sont fermés, mais attends un peu qu'on soit lundi).

Tu te demandes où j'étais ? Il ne t'a pas semblé lire dans la presse que la semaine dernière ait eu lieu un " semi-marathon-de-parisiennes-en-Louboutin " ? Eh bien en fait si, même s'il ne s'agit pas du nom officiel de cette manifestation. Nous étions quasiment 200.000 à courir, piétiner, transpirer et bivouaquer pour s'hydrater et se ravitailler. Sauf qu'à la différence d'un marathon ou d'une course d'endurance, nous étions, pour la plupart, habillés comme des pingouins et, en lieu de bouteilles d'eau ou d'éponges humides, il ne nous étaient proposés le long du parcours que des coupes de champagne et des verres de vodka tonic (avoue que pour s'hydrater on a vu mieux)(en tous cas, depuis hier, je ne peux qu'absorber de la tisane au fenouil, une invention divine).

Alors oui, ami lecteur, je ne fais pas que me plaindre et je dois bien reconnaitre que de sautiller de fêtes en fêtes où il pleut du champagne et des petits fours, ça peut être drôle parfois. On y tisse son réseau (pour moi qui suis une handicapée du réseau, ça reste compliqué mais là n'est pas le débat, nous y reviendrons). On passe un moment de convivialité (censé couronner une période de dur labeur, ce qui laisse place à de nombreux débordements)(mais là non plus n'est pas le débat et il sera inutile d'y revenir).

Là où ça devient moins drôle, c'est quand les festivités durent cinq jours et qu'au bout du deuxième tu as déjà trois énormes ampoules par pied ; quand tu comptabilises alors les kilomètres avalés depuis deux jours et que tu te dis que si tu avais marché vers le sud au départ de Paris tu serais déjà à Orgères en Beauce (et que ça ne te sert à rien d'aller à Orgères en Beauce) ; quand tu réalises que tu n'es encore qu'à mi-parcours et que la route d'Orgères à Vierzon te semble longue (et que tu n'as rien à faire à Vierzon non plus). Debout, en équilibre sur le seul point d'appui encore sauf de ma plante de pied droite, je remercie avec un rictus souffreteux le serveur qui me tend mon troisième verre de vin rouge (un remarquable anti-douleur m'a-t-on dit). J'ai beau me dire que maintenant que je suis là autant en profiter, s'amuser, réseauter, lier, PRENDRE SON PIED, je suis plantée là, incapable de bouger, balayant les lieux d'un regard de myope pour constater que NON, aucune chaise providentielle n'a fait miraculeusement apparition dans mon champ de vision (et quand bien même elle serait apparue, on ne s'assoit pas à un cocktail, sinon on appellerait ça un dîner).

J'ai passé des bons moments (j'ai vu quelques belles choses, ri un peu, bu beaucoup) mais j'espérais autre chose, un petit truc en plus que je ne saurais expliquer, un je-ne-sais-quoi que ces maudites ampoules aux pieds ne m'ont pas permis d'obtenir. Alors je m'interroge : au fond à trop essayer de prendre son pied on ne finirait pas par se tirer dedans (dans le pied) ?


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