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Essayer de se projeter

Publié le 13 mai 2015 par Bobo Mademoiselle @bobo_mlle

Essayer de se projeterNon, ami lecteur, il ne s'agit pas de s'élancer du haut d'un piton rocheux ni de se transformer en homme-canon, quoique ça permettrait sans aucun doute de gagner du temps (et de l'argent) dans certains déplacements. Ce que j'entends par " se projeter " c'est tout simplement de s'imaginer - quelle que soit la situation dans laquelle on se trouve, le métier qu'on exerce, la ville où on habite - dans un environnement différent.

Pour se projeter, il faut pouvoir goûter à ce nouvel environnement. Il est facile de dire nonchalamment qu'on se verrait bien vivre dans une île déserte du Pacifique, sur la plage, avec un hamac en guise de literie, tant qu'on n'a pas vraiment essayé (après deux jours à Koumac, à la centième piqûre de moustique, j'ai totalement revalorisé ce type de fantasmes)(avant même de savoir qu'il y avait la dengue à Koumac). Fût un temps, même si je m'imaginais volontiers vivre dans un penthouse de 120m2 et quatre mètres de hauteur sous plafond, avec deux terrasses surplombant la Seine (sans imaginer une seconde les factures de chauffage et d'électricité), ça ne m'empêcha pas d'avoir un immense coup de coeur pour un taudis de 13m2, visité un soir de novembre, à la lumière d'un briquet car l'électricité avait sauté. Comme quoi, tout n'est pas que gloire et prestige : il est aussi question d'osmose et de vibrations (il se trouve que j'ai fait de ce cagibi un petit palais qu'on m'a envié pendant longtemps). Si je n'y avais pas vécu tour à tour un dégât des eaux, une invasion de termites, un incendie et un cambriolage, j'y serai encore très probablement aujourd'hui (j'étais prête à y attendre sagement la mort des premiers-nés mais tous ces dégâts avaient fragilisé une poutre de soutènement qui menaçait de s'écrouler).

Tout comme il y a des endroits dans lesquels on n'arrive pas du tout à s'imaginer (à se demander d'ailleurs comment j'ai pu, il y a dix ans, accepter de travailler aux abords d'un cimetière), il y a des lieux dans lesquels on se projette de façon évidente. Comme par exemple celui où je me trouve actuellement. Ami lecteur, comme tu le sais, je ne vis pas en France. J'habite ailleurs, pas loin, un peu plus au sud, dans une ville où il fait bon vivre et où, dès ma première visite, (huit ans avant de m'y installer), j'ai su que j'habiterai un jour. J'y ai ressenti les mêmes sensations que celles qui m'avaient envahie lorsque j'ai visité pour la première fois mon 13m2 : l'impression étrange d'être ici chez moi. Alors forcément, on ne s'expatrie pas aussi vite qu'on emménage dans une studette. Il m'a donc fallu attendre huit ans et une bonne occasion pour sauter le pas. N'empêche : pendant toutes ces années, j'y suis retournée plusieurs fois et me projetais immanquablement dans la vie des gens du coin, à vivre ce quotidien différent du mien et dans lequel il était évident que je n'aurais aucun mal à m'épanouir.

Ami lecteur, c'est l'heure du résumé de l'épisode précédent : Previously on Bosser-Bouger - il y a huit ans, je quitte mon job (au bord d'un cimetière) pour en accepter un autre (en face d'une boîte de nuit). Pas convaincue une seconde par ce choix, je cherche frénétiquement un plan B ; plan B qui s'avère être en métal précieux puisqu'il implique que je m'installe plusieurs mois dans cette ville mythique. Cela fait maintenant presque huit ans que j'y vis (c'est fou ce que le temps passe). Si je n'y avais pas vécu ce qui, à l'échelle d'une vi(ll)e, équivaut à un dégât des eaux, une invasion de termites, un incendie et un cambriolage dans un 13m2, je pense que je pourrai y rester encore longtemps, et même pourquoi pas, y finir ma vie. Mais comme tous ces dégâts ont fini par fragiliser ma poutre de soutènement à moi, je pense qu'il vaudrait mieux que je lève le camp.

Mais pour aller où ? Ami lecteur, si j'avais une réponse toute faite je ne serais pas là à disserter sur ce sujet. Il se trouve que cette question me taraude tellement que, depuis des mois, j'essaie de me projeter partout où je vais (en vain). Il y a eu Paris (j'ai découvert que je n'étais pas étanche : me demander aujourd'hui de vivre à Paris serait comme demander à un parisien de vivre à Liverpool), puis Barcelone (le jambon catalan me fait horreur), Milan (à quoi bon vivre en Italie si c'est pour vivre à Milan), ou encore Zurich (d'un ennui mortel). J'ai ressenti un vague frisson lors d'un voyage à Istanbul, mais rien de comparable à celui que j'ai vécu en venant ici. Le tout est donc de comprendre d'où vient ce frisson. Je m'y attèle, un peu de patience. Il se pourrait que ce soit génétique - en tous cas, je poursuis très sérieusement la piste familiale ( coming soon on Bosser-Bouger)(#TeasingDeOuf).

Quoi qu'il en soit ami lecteur, si tu as des destinations à proposer, c'est le moment (j'ai du temps libre, ça tombe bien). Je me ferai un plaisir de les tester. En échange, je te loue mon appartement pour les vacances. Ah, mais suis-je sotte ! Tu ne sais toujours pas où j'habite. Aie confiance, tu ne le regretteras pas.


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