Canyon de Chelly pays Navajo de Edward Sheriff Curtis
"Ils nous faisaient beaucoup de promesses, plus que je ne peux me rappeler, mais ils n’en ont jamais tenu qu’une seule ; ils ont promis de prendre nos terres, et ils les ont prises."
Red Cloud "Nuage Rouge" des Oglala.
"Les morts des blancs oublient le pays de leur naissance quand ils s’en vont pour cheminer sous les étoiles. Nos morts n’oublient jamais cette terre merveilleuse, car elle est la mère des Indiens. Nous faisons partie de la terre et elle fait partie de nous. Les fleurs odorantes sont nos soeurs, les chevreuils, le cheval, le grand aigle sont nos frères."
Seattle (chef des Dwamish).
Ces peuples vivent sur le territoire américain depuis plus de 30 000 ans bien avant l’arrivée des vikings (l’Islandais Leif Erikson serait le 1er découvreur du continent vers l’an 1000) puis de Christophe Colomb.
D’où venaient-ils ? Qui étaient-ils ? Combien ? Voilà des questions auxquelles je vais essayer de trouver une réponse.
Avant 1492
Il est difficile d’avoir des certitudes quant au moment de l’arrivée des amérindiens sur le territoire. Une chose est certaine, les différents peuples y sont installés depuis plusieurs millénaires.
Si les traces des occupants d’Amérique du Nord sont difficiles à trouver hormis les témoignages oraux, les traditions, les rituels ; nous avons de nombreux témoignages sur les Aztèques, les Mayas. Mais les méthodes d’investigations des archéologues évoluent et se perfectionnent, la page du passé est donc loin d’être fermée et nous continuons à en apprendre davantage sur ces peuples antiques.
Photo de Edward Sheriff Curtis
Les origines des peuples
L'hypothèse la plus connue veut que des peuples originaires d’Asie, suivant du gibier, aient traversé à pied le détroit de Béring entre la Sibérie et l'Alaska, recouvert de glace, il y a entre 12 000 et 14 000 ans. Ce serait donc d’après l’hypothèse de ce flux et de deux autres postérieurs que viendraient tous les habitants de l’Amérique.
Mais les dernières découvertes ébranlent fortement cette hypothèse. En effet les dernières datations montrent que le site de Monte Verde au Chili aurait 12500 ans. Ce qui équivaudrait à dire que les arrivants du détroit de Béring auraient galopés directement vers la pointe chilienne en quelques générations à peine. C’est très peu crédible Il y a donc un flux migratoire venant d’une date plus ancienne. Or il faut remonter jusqu’à 25 000 ans pour trouver les mêmes conditions permettant un passage à pieds par le détroit de Béring. Mais dans la tradition orale des indiens, il se dit que si le peuple asiatique ressemble tant au peuple indien c’est parce celui-ci a colonisé l’Asie et non l’inverse…
De récentes découvertes laissent penser que l’arrivée des autochtones sur le continent est bien plus ancienne que ça et viendrait de la voie maritime d’îles au large. La découverte de vestiges de bateaux semble l’attester. On suppute les hommes d'avoir construit des bateaux dès -50000 ans. Peut-être que la tradition orale sur le peuplement de l’Asie a un fond de réalité ? Tout ceci pour dire que les peuples indigènes du continent américains vivent sur ce territoire depuis des temps immémoriaux et qu’ils sont les seuls, historiquement, à pouvoir revendiquer la primauté sur le continent, le droit de s’appeler les 1ers américains.
La population
L’Amérique était bien plus peuplée que l’on ne le pensait. Les estimations sont surprenantes. En Amérique du Nord, on estime qu’à l’arrivée de Christophe Colomb, vivaient de 12 à 18 millions d’individus. En Amérique Centrale aurait atteint une population de 20 millions d’habitants. Quant à l’Amérique du Sud et les Antilles auraient eu quelques millions de personnes aussi sur leur territoire. C’est donc près de 50 millions de personnes qui vivaient sur le continent américain. C’est donc bien loin de la légende qui nous dit que les Amériques étaient une vaste étendue sauvage et déserte peuplée que de quelques autochtones nomades sans véritables communautés. Idées préconçues ou imposées mais ayant servies de prétexte pour spolier les indiens de leurs terres et pour les déplacer au gré du bon vouloir des envahisseurs. Non l’Amérique n’a jamais été un continent vide.
Mode de vie des 1ers américains.
Les 1ers témoignages archéologiques sont de longues lances avec des pointes cannelées en pierre taillée, appelées des « clovis » avec lesquelles nos indigènes chassaient le mammouth. Nous avons très peu d’autres informations sur les sociétés de l’époque si ce n’est que nos individus suivaient le gibier et organisaient des campements formés de quelques dizaines de personnes. Qu’ils installaient aussi leur campement près de carrières de silex chaque fois qu’il leur fallait renouveler leurs outils, leurs lances.
Peu à peu des cultures régionales se développèrent en fonction du climat, des différentes ressources disponibles.
Ce n’est qu’il y a environ 10 000 ans que l’Amérique du Nord commence à se réchauffer et que la faune et la flore s’y diversifie. Les ressources locales devenant plus importantes, les différents peuples développèrent de plus en plus de spécificités régionales, donnant lieu à de grandes diversités culturelles. Certains profitaient des ressources marines pour se sédentariser et installer des villages avec des maisons en bois, des canoés, se hiérarchisant et fondant une véritable société. Mais d’autres choisissent de profiter des richesses des terres, ou des forêts. C’est le régime alimentaire qui est le moteur de l’apparition des tribus créant des communautés de chasseurs, de pêcheurs, de cueilleurs, de cultivateurs.
hupa dans la brume de Edward Sheriff Curtis
Ainsi naquirent :
En zone arctique, les aleuts, les inuits
En zone boréale (zone forestière qui s' étend à la limite de l' arctique, de l' intérieur nord du Canada et de l'Alaska.) : les Cree, Montagnais, Nascapi, Attikamek, Ingalik, Chilcotin
Sur la côte du Pacifique (du nord-ouest) ( région comprend l'Alaska, la Colombie Britannique, les état de Washington et l'Orégon) : Haida, Kwakiutl, Squamish, Nanaimo, Nooksack, Bella Coola, etc.
En région forestières du nord-est (de la côte nord-atlantique, la région des Grands Lacs et le sud du Canada adjacent aux Etats-Unis.) : les Hurons, Iroquois, Mohawk, etc.
En régions forestières du sud-est (Toute la côte atlantique jusqu'à la Floride.) : les Chickasaw, Choctaw, Seminoles, Cherokee, etc.
Dans grandes plaines centrales (toute la vallée du Misissippi et les contreforts des Montagnes Rocheuses.) : Blackfeet, Cheyennes, Sioux, Pawnee, Comanches, Crows, etc.
Sur les plateaux (régions montagneuses du nord-ouest des USA jusqu'au sud de la Colombie Britannique au Canada.) : Nez Perces, Yakima, Cayuse, Wenatchee, etc.
Dans le grand bassin (une grande partie du Nevada et de l'Utah) : Shoshone, Ute, Paiute. etc.
Dans la région californienne (La plus grande partie de la Californie) : Yurok, Salina, Kawaiisu, etc.
Dans le sud-ouest (Zone englobant les états du Nouveau Mexique, de l'Arizona et partiellement le Mexique et le Texas) : Mohave, Apache, Kiowa, Navajo, Hopi, Taos, Yuma, etc.
Source : http://www.artisanatindien.com/nation.html
En Amérique du Sud :
Les Quechuas, dépositaires de la civilisation inca, sur la partie occidentale de l'Amérique du Sud, entre l'Océan Pacifique et la Cordillère des Andes
Les Aymara est présente principalement sur le haut plateau bolivien
Les Mapuche ou Araucans littéralement "Peuple de la Terre" en mapudungun, de la zone centre-sud du Chili et de l'Argentine
Les peuples d’Amazonie, Patagons et fuégiens
Après 1492
Les 1ers colons
A partir de l’arrivée de Christophe Colomb au Caraïbes en 1492 puis de ses trois voyages suivants, des explorateurs puis des colons espagnols, portugais fondèrent des colonies. Pour leur survie, ils dépendirent des indigènes qui les avaient accueillis pour la plupart avec bienveillance. Mais au départ, les explorateurs espagnols, qui avaient un sens très élevé de leur religiosité, se sentaient investis d’une mission laissant peu de place à la tolérance. Mais surtout la seule autorité internationale reconnue et respectée par tous les pays était l’Eglise catholique. Pour justifier une possession illégale du territoire américain, l’Espagne a fait appel à elle afin d’avoir une légalité officielle. La religion a été utilisée comme une arme idéologique permettant ainsi de nier une humanité aux indiens. Non-civilisés parce que non-chrétiens, irrationnels, violents, cette vision primitive, injustifiée et fausse des peuples autochtones se répandit dans toute l’Europe. C’est sur cette base que les colonisateurs (espagnols, portugais, anglais, hollandais, français, suédois, finlandais, allemands, écossais, irlandais et russes) ont justifié la spoliation de leurs terre aux indiens, puis leur mise en esclavage. Une situation qui a perduré jusqu’à très récemment encore voire qui reste d’actualité.
Le travail forcé, les mauvais traitements, la brutalité et autres abus en plus de la spoliation de leur terre est devenu pendant des siècles le quotidien de ces hommes et femmes. De plus l’arrivée des migrants a apporté avec elle des bactéries et virus qui ont décimé les populations indiennes.
L’arrivée des Français
En 1534, venant de St Malo, le Français Jacques Cartier aborde Terre-Neuve. Il explore le golfe du St Laurent, entre en contact avec les indiens Micmac. Une confiance mutuelle s’installe entre les deux peuples. Puis quelques semaines plus tard, c’est avec les iroquois du St Laurent que se tissent de nouveaux liens. Ce qui prouve bien la nature coopérante de prime abord des amérindiens.
Lorsque Samuel de Champlain atteignit à son tour le St Laurent quelques 70 ans plus tard, les villages autochtones étaient peu peuplés : la maladie et les conflits entre tribus ayant décimés la population. Avec des commerçants, il fonda la ville de Québec. Très rapidement ils établirent des relations d’échange avec les Hurons, les Algonquins et les Montagnais qui firent le lien avec les autres tribus pour pratiquer un commerce basé sur les échanges. Ces rapports commerciaux privilégiés avec certaines tributs au détriment d’autres fut à l’origine de conflits. Ce sont les Français qui armèrent les premiers les indiens. En effet ils fournirent des mousquets à leurs alliés hurons et algonquins contre les mohawks. Très rapidement ceux-ci se fournirent en fusils aussi et bientôt tout le continent nord-américain se trouve engagé dans des conflits fratricides mortelles et de plus en plus fréquentes. La présence française sur le continent s’établit jusqu’au sud sur la côte du golfe du Mexique : la Louisiane. Les Français respectaient les règles de la diplomatie indienne ce qui facilitait les échanges et le commerce. Peu à peu les missionnaires catholiques réussirent à convertir même partiellement de plus en plus d’indiens. Mais ils eurent à affronter les nations iroquoises qui étaient en guerre contre les Hurons et les Algonquins . Ils voulaient ainsi éliminer leurs concurrents dans le commerce des peaux de castors, de fusils et autres produits français. Bientôt ces mêmes iroquois apportèrent leur soutien aux anglais dans les conflits franco-anglais. Bref avec l’arrivée des colons, la fourniture de fusil, s’est instauré un rapport de force déséquilibré sur ce continent.
D’autant que les anglais voulaient accroitre les territoires occupés et leur puissance. Ils visaient à s’approprier les richesses du continent tel l’or. S’alliant à certaines tribus, les tensions prirent de l’ampleur. De multiples guerres furent menés contre les colons par les indiens. Mais l’invasion anglaise continuait de plus belle. Les indiens ne cessèrent de lutter contre ces colonies qui s’étendaient de plus en plus. L’animosité grandit au fur et à mesure des spoliations. Certains indiens prirent le parti de soutenir les colons et finir par tenter de leur ressembler en adoptant costume et coutume perdant leur propre identité et s’attirant le mépris des autres tribus.
Commerce
Ce fut une époque sanglante. Anglais, espagnols, français se battaient pour la suprématie du pouvoir, les tribus elles aussi s’entretuaient. Les amis d’hier devenaient les ennemis d’aujourd’hui. Et sur fond de tout ça le commerce faisait les choux gras pour certains. Commerce de peaux bien sûr et le castor en fit les frais , devenant de plus en plus rares et il en fut de même pour les cerfs. Pour les indiens, castors et cerfs étaient la base de la nourriture carné mais ils représentaient plus que cela encore : la fourrure pour se vêtir, la carcasse pour la fabrication d’outils ou d’objets rituels. Ce carnage mis en danger l’équilibre naturel du continent comme il le fit deux siècles plus tard avec celui des bisons.
Mais le pire qu’il y eut, c’était l’arrivée de l’alcool. Celui-ci perturba sévèrement les communautés. De plus en plus d’indiens tombaient dans une déchéance totale, se battant entre eux, devenant de plus en plus ingérables dans leur ivresse. L’échange des fourrures contre de l’alcool devient une pratique de plus en plus courante.
L’Amérique : un continent en guerre
Dès le XVIIIème siècle les conflits entre Indiens et Européens devinrent de plus en plus fréquents et violents. L’établissement de nouvelles colonies puis le développement du commerce inhérent amena un état de guerre récurrent. Les armées professionnelles des Européens contre les guerriers indiens, qui étaient aussi des soutiens de famille devant subvenir aux besoins de leur famille, rendaient les batailles inégales. De plus les Européens attisaient les haines entre autochtones en prétextant que puisqu’ils étaient alliés, ils se devaient de se battre contre les autres au nom de l’alliance. Bref les indiens se battaient sur tous les fronts et ne pouvaient qu’en pâtir. Cet état belliqueux constant amena de profonds changements dans la mentalité, la culture et les sociétés indiennes. Les récoltes brûlées, les hommes morts trop nombreux, a rendu les indiens survivants dépendants des Européens pour leur survie mais en même temps, les femmes se virent obligées de s’allier à des étrangers d’autres tribus. Les jeunes hommes n’ont plus qu’une idée : devenir des guerriers pour venger les leurs. Les traités sont signés pour mieux être violés, d’autant mieux que les Indiens ne savaient pas lire et n’avaient aucun moyen de vérifier les écrits. Les tensions entre Indiens et Européens se firent de plus en plus fortes. Au cours de ce XVIIIème siècle, les massacres répétés repoussent les indiens de plus en plus vers l’Ouest. Bien qu’un traité finit par être signé garantissant qu’aucune colonisation se fera à l’ouest, le Congrès américain adopte une ordonnance déclarant propriété fédérale les territoires à l'ouest du Mississippi; cette ordonnance est destinée à favoriser l'établissement de nouveaux colons dans les territoires du Nord-Ouest ainsi que la constitution de ceux-ci en Etats. Ainsi peu à peu, les Etats demandent l’intégration des territoires indiens.
Conclusion
En l’espace de 5 siècles, les habitants originels ont perdu tous droits sur leur terre. Ils ont été volés, massacrés, déplacés, parqués comme des animaux dans des réserves. On leur a interdit de célébrer leurs rituels, on a voulu les assimiler de force. Aujourd’hui encore les descendants de ces braves vivent dans des conditions déplorables. Les mauvais traitements qui leur ont été infligés, a amener un taux accru de suicides, du chômage, de l’alcoolisme.
Mais des voix se sont levés pour dénoncer cette injustice, pour sensibiliser l’opinion américaine aux problèmes vécus par les Indiens. Trop longtemps considérés et traités comme des sous-américains, ils ont décidé de retrouver leur fierté, leur honneur et de réclamer justice. Ils doivent se battre pour la survie de leurs cultures, de leurs traditions, leur identité.
Ce qu’ils ont vécu, est purement et simplement un génocide. Un génocide qui n’en finit pas. Dans nos fantasmes, tous nous vénérons la sagesse amérindienne, tous nous respectons leur conception de la relation avec la terre-mère et ce qui y vit. Mais avons-nous conscience de ce que les colons européens ont fait de ce peuple.
Pour en savoir plus sur l’histoire du peuple indien, je vous conseille cet ouvrage très complet et passionnant : « La grande histoire des Indiens d’Amérique – Chronologie complète des peuples indigènes d’Amérique du Nord » de Greg O’Brien.
«La deuxième paix est celle qui se crée entre deux individus, la troisième et celle qui soude deux nations. Mais au-dessus de tout cela il vous faut comprendre que la paix ne sera pas possible entre les nations tant qu’on ne sera pas convaincu que la véritable paix – comme je l’ai souvent dit – se trouve au cœur même de l’âme humaine.»
Black Elk (Chef Sioux)
Regard sur...