Pour en revenir à l'école primaire, quand j'ai réintégré la classe une semaine plus tard, avec une béquille et mon plâtre tout blanc et tout dur qui m'empêchait de marcher normalemen t, tout le monde a bien sûr voulu le signer. Il ne manquait que la signature de Blandine et celle de l'instituteur.
C'est ce jour là que je suis tombé amoureux de Brigitte. Elle avait signé avec un cœur bleu à la fin, sans trembler.
Brigitte, avec ses cheveux roux tout bouclés, était la meilleure amie de Blandine. Je ne l'ai pas embrassée à l'école primaire, elle n'est donc pas passée sous une voiture deux jours plus tard. Mais elle s'est tout de même noyée une dizaine d'années plus tard, dans un lac, avec ses beaux cheveux roux et bouclés, ses jolies dents blanches et ses lèvres si douces. Toutes ses lèvres.
Moi je ne savais pas nager, je ne risquais donc pas de me noyer. C'est d'ailleurs pour ça que je n'ai pas sauté à l'eau comme les autres pour tenter de la retrouver. Pourtant j'insiste ! Je ne suis pour rien dans ce fait divers et néanmoins tragique. Quoi qu'on puisse en penser.
Brigitte. C'est bête parce qu'elle baisait déjà très bien. C'est elle qui m'avait dépucelé, et c'est Jean qui l'avait dépucelée.
Celui-ci a toujours eu un coup d'avance sur moi. Il a même rendu l'âme avant moi. Pour cette fois là, je lui pardonne.
La morale que je tirai de ces deux événements, c'est qu'il vaut mieux ne pas être un enfant unique. Blandine avait deux sœurs et un frère. Aucun d'eux n'a jamais été renversé par une voiture. Blandine leur avait montré l'exemple à ne pas suivre. Quant à Brigitte, aucun de ses quatre frères ne s'est jamais noyé. Encore l'exemple.
J'aurais bien aimé avoir eu un frère ou même une sœur plus âgée. Ça m'aurait sûrement évité beaucoup d'ennuis. Mon père aurait dû baiser ma mère un peu plus. J'imagine qu'il avait ses raisons.