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Cesser de s’interroger

Publié le 06 juin 2015 par Bobo Mademoiselle @bobo_mlle

Cesser de s’interrogerAmi lecteur, c'est un fait : quand une décision s'impose, elle écarte autour d'elle toutes les tergiversations que le cerveau pourrait s'inventer. Il y a un peu plus d'un mois, j'ai quitté le navire tête baissée (mais sans rien derrière)(la tête)(ni ailleurs du reste). C'est alors que le champ des possibles s'est élargi d'un seul coup et que tout est devenu source de questionnements. Comme si en cet instant précis, je me trouvais au seuil de milliers de portes, sans bien savoir lequel franchir.

La situation est d'autant plus complexe que - comme tu le sais - je n'en suis pas à ma première reconversion. Il en résulte deux phénomènes antagonistes, le premier consistant à essayer de reproduire le schéma gagnant du précédent changement de cap et le second à chercher un moyen innovant de s'en sortir, convaincue qu'on ne peut pas collectionner indéfiniment des masters (les masters, c'est un peu comme les ampoules au pied : les premiers témoignent de ton engagement et de ton endurance, mais au-delà ça ne fait qu'empêcher d'avancer)(et crois-moi, je sais de quoi je parle)(1).

Ces deux phénomènes surviennent de façon aléatoire l'un après l'autre plusieurs fois dans la même journée, un peu comme la pluie et le beau temps en Bretagne. Je ne te cache pas que cette situation est relativement handicapante (imagine seulement les cas de conscience auxquels tu peux être sujet si tu es en vacances en Bretagne, indécis entre le caban et le maillot de bain avant de partir en virée) et passablement schizophrène (quoiqu'on en dise, on n'a pas l'air fin à se trimbaler en maillot de bain sous un caban).

Car nous en sommes bel et bien là, ami lecteur, dans un sas de décompression, face à deux portes ouvrant sur deux univers différents : pendant une heure, je vis dans le passé, me remémorant chaque instant de ma recherche de master et de ma rentrée des classes il y a huit ans, et l'heure d'après je me projette dans un avenir incertain, en essayant d'élaborer des stratégies nouvelles et dynamisantes, histoire de varier.

Mais pourquoi cela serait-il un problème, te demandes-tu, toi qui es capable de rester stoïque en short et tongs sur les plages du Morbihan en pleine bourrasque. Eh bien c'est un problème car malgré toutes mes soigneuses analyses mathématiques visant à découvrir ce qui se cache derrière chacune des portes, je ne parviens à aucune conclusion satisfaisante. Dans le premier cas, si je retente le coup, rien ne me dit que je vais gagner la partie une fois de plus (non, tout ce que je touche ne se transforme pas en or, sinon vous seriez plus de cinq lecteurs). C'est d'autant moins sûr que comme nous l'a appris Émile Gravier (de " prends un chewing-gum, Émile ") : on peut tromper une fois mille personnes mais on ne peut pas tromper mille fois une personne (ni même deux fois, à mon avis). Comme je n'en suis pas à mon premier hold-up, il serait plus sage de passer à autre chose. Dans le second cas, toutes les stratégies que j'élabore sont incertaines au point qu'elles sont abandonnées presque immédiatement à cause d'une kyrielle d'excuses toutes faites dont moi seule ai le secret (pêle-mêle : " j'ai pas le temps en ce moment, ça craint ", " je parle pas le biélorusse, trop dommage ", " zut alors, j'ai pas les chaussures adéquates ").

Il y a trois semaines, coincée entre ces deux portes, le poids du passé, l'angoisse de l'avenir, je me suis tout simplement dit qu'il fallait gérer la situation présente telle qu'elle était en cessant de s'interroger. J'ai pris à bras le corps une obsession qui ne me quittait plus depuis plus d'un an : celle de partir à New York (j'ai le temps, pas besoin de parler le biélorusse et une paire de ballerines devrait convenir : tout concorde). Concours de circonstances, juste remboursement de points destin, peu importe, en tous cas aux dates que j'avais sélectionnées, les prix défiaient toute concurrence. Sans plus me poser de questions, j'ai entamé la procédure d'achat du billet, convaincue qu'au dernier moment, le site internet allait m'annoncer ce qu'il m'a déjà annoncé de nombreuses fois par le passé ('foiré) : " nous sommes désolés mais ce tarif n'est plus disponible ". Et pourtant non : pas d'annonce, le site internet m'a laissée aller au bout de ma commande et je me suis retrouvé en moins de cinq minutes avec un aller/retour pour New York en poche deux semaines plus tard.

Soyons honnêtes, au début je ne faisais pas la fière (" bon sang, mais qu'est ce que tu vas faire toute seule à New York, tu parles même pas le biélorusse nom d'un chien !! "). Et puis, le projet a fait son chemin (pas le choix), j'ai traversé l'Atlantique sans me poser de questions (plus le choix) et maintenant que je suis revenue, laisse moi te le dire : cesser de s'interroger, ça a du bon. Un soupçon de confiance et une once de flexibilité suffisent à ce qu'un programme se goupille plutôt bien, même à la dernière minute (et même avec des ampoules aux pieds car, qu'on se le dise, les ballerines ne sont pas du tout appropriées pour franchir le pont de Brooklyn).

Du coup, depuis que je suis rentrée, j'évite les questions superflues et les analyses stériles de situations qui sont suffisamment confuses sans qu'on en rajoute. Et je file m'acheter des chaussures de randonnée, on ne sait jamais.

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(1) Ami lecteur, tu ne vois pas le lien entre moi, un master et une ampoule au pied ? Alors le master, c'est ici et les ampoules c'est là (et c'est aussi sur le côté externe de mon pied)(#TrucDeOuf).


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