Le Velleda et le Rouanez ar Péoch, deux des bateaux affrétés par les Sénans pour rejoindre Londres
Ce 18 juin, nous avons rappelé au monument aux morts la commémoration de l'appel lancé en juin 40 par le général De Gaulle. Voici ce qu'a déclaré en premier Michel Carlier au nom de l'Union nationale des combattants
Juin 1940 : Il attend son tour pour embarquer. Sa maman est mourante et le recteur s’efforce de le persuader de ne pas partir. L’adolescent reprend sa valise, ses yeux sont remplis de larmes. François (Hervis) retourne au chevet de sa mère. Le bateau quitte l’île.
Quelques jours auparavant, l’AR ZENITH qui assure deux fois par semaine la navette entre Audierne et l’île est à quai. En fin de journée, il repart. Après une escale à Ouessant le Capitaine met le cap sur l’Angleterre. Les membres de l’équipage seront les premiers marins Français à rejoindre DE GAULLE. Les informations étaient parvenues sur l’île par l’intermédiaire des bateaux et par les rares postes TSF à accus et a galènes. Cette île située au large de la pointe du RAZ, cette île de 56 hectares qui compte prés de 1200 habitants, cette île sur laquelle il n’y a pas l’électricité, c’est l’île de SEIN. Quelques personnes réunies autour d’un poste avaient entendu le message. Le 23 Juin, l’armée allemande défîledans Paris, l’armistice est signé. Le 24 Juin, Jean–Marie Porsmorguer arme son bateau le Velléda. Prosper Cuillandre fait de même avec le sien, le Rouanez-ar-Mor. A 21 heures les deux bateaux quittent l’ile. A leurs bords des hommes, des marins, 35 ont pris place sur le Rouanez-ar-Mor, une vingtaine sur le Velléda, des marins au caractère entier et bien trempé. Ils refusent l’armistice et sont prêts à poursuivre le combat. Avec l’accord de leurs aînés, ces jeunes hommes ont pris la mer. Les menaces qui pèsent sur le pays inquiètent la population, d’autant que sur le continent, les autorités allemandes par voie d’affiches annoncent que les hommes de 18 à 60 ans doivent se tenir à disposition. Nouvelles réactions sur l’île: François Fouquet à bord du Rouanez ar Péoc’h quitte l’île. Il fera route avec le Maria Stella de Martin Gilcher. Pierre Cuillandre sera dans leurs sillages à bord du Corbeau des Mers emmenant lui aussi sont groupe de volontaires en Angleterre. Le Maire et le Curé encadrent les départs, ils tentent tant bien que mal de tempérer l’ardeur de ces garçons. Comme rien n’y fait, ils veillent sur les plus jeunes, afin qu’ils ne partent pas. Ces hommes de l’île de Sein en charge de famille pour la plupart, accompagnés par les plus jeunes s’embarquent dans les jours qui suivirent l’appel. Un tout jeune, Louis Fouquet réussira à les suivre, il a 14 ans.
114 quittèrent l’île sur les bateaux. 10 les rejoindront quelques jours plus tard par leurs propres moyens. Ils seront reçus à Londres ainsi que 300 autres volontaires. Plus de 400 hommes à être présenté au Général, ce sont les premiers à avoir rejoint l’Angleterre. Surpris du nombre de Sennans venant de l’île, l’histoire prête au général cette phrase :’’ ces hommes, c’est donc le quart de la France ‘’. Ils seront logiquement affectés aux forces navales de la France Libre. On en retrouve dans les services spéciaux, agents de liaisons. Les plus âgés seront embarqués sur les bâtiments de la marine marchande, le plus vieux à 54 ans. Leur mission, ravitailler l’Angleterre. Sur l’île les habitants, femmes, enfants, vieillards, font face à une pénurie de denrées alimentaires. L’île est occupée et les hommes partis, les moyens commencent à manquer. Le maire Louis Gilcher et le recteur de l’île pour essayer de faire face commencent par mettre en place une cantine pour les enfants de l’école. En 1943 le seul revenu de l’île est le produit de la vente de sel. On a faim sur l’île de Sein ! Le 4 Aout 1944, l’occupant quitte l’ile, la guerre s’achève. On guette les bateaux, les hommes commencent à rentrer. 22 d’entre eux ne reverront pas leur île. Ils sont morts pendant les combats pour la libération. Le 30 Aout 1946, le Général de Gaulle fait le déplacement pour remettre la Croix de la Libération à l’île de
Sein. « La France entière saura qu’il y avait sur l’océan une bonne et courageuse île bretonne dont l’exemple magnifique deviendra légendaire et les enfants apprendront dans leurs livres d’histoire l’action héroïque d’une bonne et courageuse île française. »
C’est en ces termes que le Général s’adressa aux Sénans. Le premier Janvier 1946 par décret, l’île de Sein devient Compagnon de la Libération. La citation qui accompagne cette décoration est la suivante : « Devant l’invasion ennemie, s’est refusée à abandonner le champ de bataille qui était le sien : la mer. A envoyé tous ses enfants au combat sous le pavillon de la France Libre, devenant ainsi l’exemple et le symbole de la Bretagne toute entière. »
L’île de Sein a reçu également la Croix de Guerre et la Médaille de la Résistance. Sur l’île au bord de l’eau, un monument de pierre dédié aux forces Françaises Libres se dresse. Gravé dans la roche, la devise en Breton interpelle le visiteur :’’Kentoc’h Mervel’’, plutôt mourir. Une inscription en français recouvre le socle de pierre : le soldat qui ne se reconnaît pas vaincu, a toujours raison.
Hommage aux 22 garçons volontaires morts pour la France. Et puis un petit salut à Joseph Gilcher le fusilier Marin, parti de son île en juin 40 avec ses camarades et que l’on retrouvera quatre ans plus tard au lever du jour le jour J sur la plage de Sword dans les rangs du commando Kieffer venu libérer la France aux cotés des Britanniques. Blessé à Ouistreham, campagne de Hollande, Croix de guerre avec étoile d’argent.
Les motivations de ces marins qui ont tout quitté pour répondre à l’appel d’un seul homme qu’ils ne connaissaient pas, ont fait couler beaucoup d’encre. Mais n’est-ce pas tout simplement une éducation rigoureuse, une forte imprégnation religieuse et la priorité donnée à la notion du devoir et à la patrie, qui font qu’aujourd’hui on arrive encore a prendre la plume et leur prêter notre voix pour leur rendre hommage.
Quant aux mères et aux femmes, je ne saurai les oublier. On lit dans les récits qu’en Juin 1940 sur l’île de Sein au bord du quai où sont accostés les bateaux prêts au départ pour l’Angleterre, les familles sont rassemblées. Les femmes serrent les plus jeunes contre elles. Toutes ces femmes sont calmes, pas de chant, pas de cri, simplement une fierté de voir leurs hommes s’en aller pour servir. Quelques embrassades, des larmes. Les marins poseront un genou afin de recevoir la bénédiction du recteur, le prêtre Louis Guillem. La marée est haute, il est temps de partir. Une voix brise le silence oppressant : Paré devant, larguer.
Le dernier lien est coupé, un dernier « Kenavo » lancé en direction du quai. Le même au revoir en réponse comme un écho, kenavo, kenavo.
Hommage a toutes ces femmes qui pendant plus de quatre années ont fait preuve d’une grande solidarité et ont assuré les taches et la subsistance des habitants et des 171 enfants, sur cette bande de terre dans l’Océan Atlantique à 8 kilomètres de nos côtes. La Bretagne sait rendre hommage à ses enfants.
Entre source historique et source poétique, la spécificité d’un discours chanté, sorte de complainte de transmission orale, occupe une place particulière chez les Bretons. Et la difficulté est de faire la part entre narration poétique et narration historique.
Un air de chant Gallois auquel on ajoute des paroles et ce sera une histoire dans l’histoire comme savent le faire les bretons, une chanson intitulée JUIN 40, afin de pas oublier, afin de ne pas les oublier. Je souhaite que celle-ci traverse le temps et soit reprise à leur compte par les plus jeunes en hommage à leurs anciens. Tant que ces vers seront récités ou chantés, vous les marins de l’île de Sein vous ne serez pas oubliés.
Sein 1940
Paroles et musique de Tri Yann
(Merci à Maximilien Ducheine d'avoir lu ces paroles)
Mille neuf cent quarante à la fin de juin
Cent vingt deux hommes de l’île de Sein
Prennent la mer sur six bateaux
Pour l’Angleterre là-haut
Lutter pour la liberté
C’est outrance, Grands de France
Lorsque de leurs enfants vous vous défiez
Parlaient-ils français, parlaient-ils breton
Peu vous importait alors la question ;
Ils avaient entendu l’appel,
Crié : « kentoc’h Mervel »
Peint Frankiz sur leur ciré
C’est offense, Grands de France
Que de condamner leur langue au bûcher.
C’est violence, Grands de France
Que de condamner leur langue au bûcher.
Voulant suivre leurs hommes en Albion,
Les Sénanes arrachant leur île au fond,
À la rame la menèrent
Droit vers l’Angleterre
Cap au Nord dans les embruns
Quand on pense, Grands de France :
Vous leur déniiez tout droit citoyen.
Deux années passèrent et puis deux années,
Pour ceux qui revirent Saint Guénolé.
Tous n’étaient pas du voyage
Quand finit l’orage
Il en manquait plus de vingt.
Gens de France, retenez bien
Ce qu’on fait pour vous tous ces marins.
Gens de France, retenez bien
Ce qu’on fait pour vous les hommes de Sein
Voici ce que j’ai déclaré à mon tour
En juin 1940, le général de Gaulle, né rue Princesse à Lille il y a 125 ans, est le jeune sous-secrétaire d'Etat à la Défense du gouvernement de Paul Reynaud. Il est très mal connu du public. Les troupes franco-anglaises sont en déroute, huit millions de civils fuient l’avancée des troupes allemandes sur les routes de l'exode.
Le 1er juin, les troupes allemandes du général Waeger ont obtenu dans notre région la reddition des troupes du général Molinié, place de la Déesse à Lille, après une résistance acharnée dans ce qu’on appelle la « poche de Lille », notamment à Loos, Sequedin, Emmerin. L’opération Dynamo continue ensuite vers Dunkerque. Sur la Somme, les troupes du général Weygand sont enfoncées par les Panzers le 5 juin.
Le 16 juin, De Gaulle revient de Londres. Il s'efforce de convaincre Winston Churchill et son propre gouvernement de refuser le caractère inexorable de la victoire allemande. Mais le 17 juin, il apprend que Philippe Pétain, nouveau chef du gouvernement, va appeler à cesser le combat.
Instantanément, il décide de retourner à Londres. Il reste convaincu que la mondialisation du conflit peut retourner la situation. Il demande aussitôt à Churchill la possibilité de lancer un appel à la résistance. Il n'aura accès aux studios de la BBC que le lendemain, le 18 juin.
Cet appel ne sera pas enregistré, il est néanmoins publié dans la presse française le lendemain. L'enregistrement qu'on connaît date du 22 juin. La ferveur des Français envers "Le Maréchal", le sauveur de 1918 est à ce moment immense. Mais jour après jour, De Gaulle va construire sa légitimité et sa notoriété contre les "traîtres de Vichy", au micro de la BBC.
C'est cette combativité que nous commémorons aujourd'hui. Ce jour-là est né le terme de "résistance" dans le vocabulaire politique. Les partisans de la France libre étaient au départ une poignée de volontaires. De Gaulle a su démystifier la puissance des forces hitlériennes et redonner courage à son pays.
Churchill et De Gaulle vont peu à peu unir leurs déterminations, donner consistance à l'alliance du camp de la paix contre l'hitlérisme et permettre aux Français de s'organiser contre l'occupant.
75 ans après cet appel historique, nous ne pouvons que nous réclamer de l'esprit de résistance et de combativité que De Gaulle a su créer dans notre nation à l'un de ses pires moments.