Mollement enfoncée dans son pouf en damas, Mémé enrage. Un spasme furieux, par intervalle, fait rebondir sa carcasse enburqée. Rien, ni les jappements de son fennec domestique, ni la mélopée irritante de sa petite esclave cuisinière, ne saurait la tirer de sa mauvaise humeur. Et pour cause : Mémé vient de perdre le concours annuel de poésie djihadiste. Un coup à se jeter de suite dans le puits asséché le plus proche.Vous ne remettez pas Mémé ? Allons, un petit effort de mémoire. Voilà bientôt six mois que Marie-Thérèse, charmante retraitée délaissée par les siens, a rejoint l’Etat islamique ; et elle n’a pas chômé ! Plan de recrutement de jeunes talents, restructuration des fonctions support, pourparlers avec les factions rivales : Marie-Thérèse, devenue Marziyeh al-Jozouni, s’est vite rendue indispensable. Au point que son mentor et époux hésite à lui confier de nouvelles responsabilités : elle apprend vite, mais il semble qu’elle va bientôt phagocyter l’intégralité de sa brigade. Et il ne faudrait pas qu’un tir de drone mal placé vienne priver ses valeureux combattants d’une pièce aussi cruciale dans le dispositif…
Trois jours plus tard, Marie-Thérèse n’est toujours pas revenue de son accès d’allégresse. En répondant, sous le pseudonyme de PussycatduDésert, à un fil de commentaires sur Twitter, elle continue à songer à son plan. « Mais à quoi est-ce que tu penses, Mémé, exactement ? », la supplie la petite esclave. Et nous nous demandons avec elle : « Mais à quoi penses-tu, Mémé, exactement ? »Le plan est simple. Daesh souffre d’un déficit d’image. J’ai bien écrit déficit d’image, au singulier, parce que pour ce qui est de la quantité, nous sommes plutôt surexposés, on mangerait bien autre chose que l’actu Daesh le soir à l’heure de Pujadas. Non, le problème de Daesh, ce n’est pas l’exposition médiatique : c’est ce qu’il en ressort. Avouez-le : si on vous interroge sur Daesh, vous ne songez pas culture, finesse, aristocratie. Ça ne vous évoque pas trop la France, en somme. Et cela, Mémé le sait.