Ami lecteur, je ne sais pas où tu vis, mais il est fort possible que, comme moi, tu aies été frappé par la canicule et des températures dépassant allègrement les 40 degrés. Là où je me trouve s'ajoute pas moins de 95% d'humidité, ce qui signifie que je suis constamment trempée et que, si ça continue, je risque de me noyer dans ma propre sueur. Alors oui, je suis navrée de rentrer dans des détails ragoûtants mais c'est un fait : même en ne faisant rien, en restant immobile, allongée en étoile de mer sur le carrelage de la salle de bain, mon cerveau est en ébullition et je ne suis bonne qu'à être essorée.
La nuit, je ne m'endors pas, je m'évanouis. Au petit matin (vers 5h30, dès que le soleil vient me lécher les mollets), j'émerge pleine de bonne volonté - le thermomètre n'annonce alors que 26 degrés - et, en buvant mon café, je prends mes bonnes résolutions de la journée : j'écris ma to-do-list, une vingtaine de choses à faire, rien d'insurmontable pour la workaholic que j'étais. Sauf que dès 10h du matin, le thermomètre a déjà atteint 35 degrés et que, d'un coup, ma to-do-list fait figure d'une succession d'épreuves de Koh-Lanta.
Comme je n'ai pas la moindre intention de me laisser impressionner par quelques rayons de soleil, j'optimise en me disant que toutes les conditions sont réunies pour faire quelques minutes de yoga Bikram. Me voilà donc, en plein cagnard, à saluer le soleil (sans rancune, je fais comme si ce n'était pas de sa faute si je me tartine de Biafine depuis samedi dernier). J'enchaine les positions - celle du guerrier, de la montagne, du bâton et enfin celle du chien tête en bas - et là, c'est le drame : la goutte de sueur dans la lentille de contact. Depuis que j'ai découvert que je transpirais de la moustache - moustache que je n'ai pas, il va sans dire - je n'arrive plus à me regarder de la même façon dans le miroir.
En sortant de la douche, j'ai beau me sécher, je reste mouillée. Étrange. Va quand même falloir vérifier tes glandes sudoripares, me dis-je. Puis, je m'installe devant mon ordinateur, bien décidée à m'attaquer à cette to-do-list de malheur, ou au moins à tenter d'en barrer le premier élément pour ainsi remporter la première épreuve de confort de la journée : un café frappé au bar d'à côté. Mais manifestement je ne suis pas la seule à tourner au ralenti pendant cette canicule : mon ordinateur déploie une telle énergie pour ne pas surchauffer qu'il ne comprend pas ce que je lui demande. Ami lecteur, tu ne le croiras peut-être pas, mais il est 23h12 et j'ai commencé ce billet ce matin à 9h45. True Story.
La banquise est en train de fondre, le climat se réchauffe, nous vivons une situation qui n'est pas prête de s'arranger. Il est donc indispensable de s'adapter : après tout, quel problème y aurait-il à vivre en léger différé. Ne travailler qu'à partir de 18h me semble tout à fait à ma portée. Là-dessus, dans un effort ultime, j'enfile un maillot de bain et accomplis l'exploit d'aller jusqu'à la plage (les rues sont désertes, on pourrait faire frire des chipolatas sur les trottoirs). Je pique une tête pour me rafraîchir, en me disant que je n'aurai qu'à m'y remettre quand le thermomètre aura atteint des températures appropriées. Échec cuisant : cette canicule est une acharnée, car même en pleine nuit elle continue de bosser, elle.
Bilan de la journée : un coup de soleil, une to-do-list en stand-by, une insolation. Je considère avoir échoué lamentablement à l'épreuve de confort de la soirée. De toute façon, cette chaleur m'a coupé l'appétit et à dire vrai, je n'ai envie que d'une chose : de prendre exemple sur l'homme de Vitruve, juste pour vérifier que le corps humain est aussi bien proportionné dans un cercle que dans un lit double de 160 cm de largeur. Et c'est en général à ce moment là que je m'évanouis.
Ami lecteur, je t'entends d'ici (je n'ai peut-être pas de moustache mais j'ai des oreilles) te dire qu'elles ont bon dos les conditions météorologiques que je tiens responsables de mes insuffisances et de mon manque d'assiduité. Alors certes, je suis censée respecter un agenda et penser intensément à mon avenir mais, pour le moment, la seule chose que je suis capable d'évaluer intelligemment ce sont les ravages que cette canicule engendre sur mes neurones. Alors, plutôt que de mettre en danger ceux qui, par chance, sont encore intègres, je préfère appliquer l'une des règles élémentaires du brevet de premiers secours, la seule permettant d'effectuer utilement les gestes qui sauvent : commencer par identifier le danger et se mettre en sûreté. Alors mes neurones, je les mets de côté, sur la bande d'arrêt d'urgence, à l'abri de toute réflexion qui pourrait les fatiguer.