Le Billet Amer #24

Publié le 11 juillet 2015 par Observatoiredumensonge

Ce qui ne veut pas dire que nous approuvons.

   Le Billet Amer #24  

Par L’Aigre Doux

L’Europe politique, élection après élection, a basculé nettement à droite toute. A la notable exception de la France, de l’Italie et de …la Grèce.

En perte de repères partisans, confronté aux réalités du pouvoir, François Hollande a, d’une part, définitivement remisé ses fantasmes électoraux en matière économique et a, d’autre part, accéléré ses projets de réforme de la société, famille, enseignement, justice. Moyennant quoi, il a mécontenté à Gauche, ulcéré à Droite et perdu le vote communautaire qui l’a fait élire en 2012.

Ce numéro d’équilibriste maladroit permanent l’a conduit par ailleurs à mettre en cause l’unité du couple franco-allemand moteur de l’Europe, sur la problématique grecque. Solidarité idéologique non dénuée de calcul électoraliste oblige, il a soutenu le Premier Ministre grec dans sa folle équipée. Proximité sans doute ressentie avec celui qui il y a quelques mois, pendant sa campagne électorale victorieuse, a largement théorisé le « Moi, Président » d’inoubliable mémoire.

Tsipras, comme Hollande, sera contraint de ravaler son flot de promesses inconséquentes. Quel que soit le résultat du référendum dimanche, démonstration est faite que la dure réalité de notre monde ne laisse aucune place aux égarements de politiciens obsédés par la conquête du pouvoir à n’importe quel prix. Sauf à faire aveu d’amateurisme criminel, le Premier ministre grec ne pouvait pas croire que la seule volonté d’un Etat en faillite pouvait déroger indéfiniment aux règles acceptées par les pays membres de la zone euro.

L’Europe, complaisante au cours de toutes ces années envers le mauvais élève de la classe, a largement sa part de responsabilité dans cette crise qui l’ébranle en profondeur. Quelle que soit son issue immédiate, sortie ou non de la Grèce, elle devra revoir en profondeur les fondamentaux de son existence. Le catastrophique Accord de Schengen en particulier qui allume une nouvelle mèche, infiniment plus redoutable que la crise grecque. La libre circulation incluant l’abolition des frontières, porte ouverte au transfert massif et hors de tout contrôle de populations dont nous apprécions seulement les prémices, va occuper durablement l’actualité à venir de nos gouvernants et de nos peuples.

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Il a gagné, les doigts dans le nez !

C’est un véritable triomphe qu’a obtenu le Premier Ministre Grec, Alexis Tsipras, avec les quelques 60 % et plus de suffrages en faveur de l’option qu’il préconisait. C’est vrai qu’il ne prenait pas beaucoup de risques en la matière, demandant en substance à ses compatriotes : « Voulez-vous payer plus d’impôts, abaisser vos retraites, réduire vos avantages sociaux et augmenter la pression fiscale ? ». Le « Non à l’Europe » qu’il a souhaité en réponse, coulait de source. Il est même étonnant qu’il n’ait pas atteint un score à la soviétique, frisant les 100%.

Preuve réconfortante qu’une importante partie de la population, même minoritaire, a pleinement conscience de la limite des promesses démagogiques. Berner le peuple le temps d’une élection ne fait pas disparaitre les problèmes. Jamais la formule « Victoire à la Pyrrhus » n’aura trouvé meilleure illustration. L’euphorie d’une soirée électorale va vite retomber et ceux-là même qui ont plébiscité ce refus vont, comme le leader de Syriza, se retrouver dès demain avec la gueule de bois des faits têtus et des réalités insensibles au charme anesthésiant des discours politiques.

Le naufrage de la Grèce dépasse, par son acuité intemporelle, les 2% du PIB que représente ce pays dans l’ensemble européen. Son héritage antique tient une place essentielle dans l’Histoire universelle parlant à notre imaginaire culturel à travers le patrimoine matériel et immatériel laissé à notre civilisation. Il en constitue les titres de noblesse à la fois réels et fantasmés: démocratie, organisation de la Cité, rayonnement artistique, philosophique et intellectuel. Toutes ces hautes vertus et qualités ont irrigué la pensée et l’action de notre monde pendant des siècles, faisant de nos sociétés ce qu’elles sont devenues, à la fois sans doute la meilleure et la pire des constructions humaines.

Ce qui laisse à penser que cette crise n’aurait pas viré au psychodrame traumatisant si le mauvais élève de la classe européenne s’était appelé, au hasard, la Slovénie, la Slovaquie ou la Lituanie.

Moins douloureux à mettre à la rue que notre propre mère…

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En toute hypothèse, un effroyable gâchis. Pas seulement la sortie ou le maintien de la Grèce dans l’Union européenne qui, dans un sens comme dans l’autre, aura des conséquences encore incalculables. Les dégâts les plus considérables seront causés surtout à cette magnifique idée née au sortir de la seconde guerre mondiale, dans les cœurs et dans les esprits d’hommes visionnaires qui voulaient de toutes leurs forces concrétiser le « Plus jamais ça », resté au rang des formules pieuses après le premier conflit mondial.

Depuis le Traité de Rome, à travers la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) unissant les nations libres du Vieux Continent, un espoir de paix et de prospérité prenait consistance pour des peuples qui, de temps immémoriaux, s’étaient entretués. Malgré les difficultés, le rêve, amplifié encore par la chute du monde communiste libérant nombre de pays du joug de la dictature marxiste, se concrétisait. L’adhésion enthousiaste des jeunes démocraties au nouvel ensemble ouvrait des perspectives insoupçonnées de bonheur pour des populations opprimées pendant des décennies. Charles De Gaulle et Conrad Adenauer, Valéry Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt, François Mitterrand et Helmut Kohl, ont incarné avec la force de l’émotion ce fameux couple franco-allemand, garant de cet engagement devant l’Histoire.

A quel moment l’attelage a-t-il commencé à dérailler ? Pour quelles raisons ce pari exaltant, pétri dans la pâte de l’humanisme, s’est-il dévoyé pour laisser place à la froide et envahissante organisation administrative qui régit d’une main inflexible les peuples et impose aux pays-membres une invraisemblable accumulation de lois, de règlements, de circulaires, de décisions, touchant tous les secteurs même les plus communs ? Le fait est que depuis des décennies, l’ambitieux projet a sombré dans un mercantilisme sordide, un formalisme pointilleux, la technocratie prenant la place du politique en accroissant chaque jour un peu plus son champ d’intervention. Le laxisme des chefs d’Etat et de gouvernement, s’abritant complaisamment derrière Bruxelles pour justifier tous les errements du système, a par ailleurs largement contribué à sa déliquescence.

Situation d’impuissance qui se vérifie lors des crises provoquées par ces carences de gouvernance dont l’exemple grec nous fournit la meilleure illustration. En attendant le séisme en gestation provoqué par cette invasion migratoire massive que l’Europe n’a ni la volonté solidaire, ni la capacité politique, ni les moyens matériels, humains et militaires, de gérer.

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Une négociation peut en cacher une autre. La tragi-comédie grecque occupe tout l’espace médiatique. Comme une pièce classique traditionnelle, elle répond aux trois critères convulsifs d’unité de temps, de lieu et d’action, facteurs de rebondissements incessants à fort retentissement émotionnel.

Dans la distribution des rôles, des figures emblématiques : Alexis Tsipras, le Premier Ministre Grec qui, à la fois, crève l’écran et brûle les planches dans sa posture usurpée de héros mythologique terrassant le Mal. Le rôle du « méchant », assumé malgré elle par Angéla Merckel, permet au sentiment anti allemand de se donner libre cours et bonne conscience. Les autres, tous les autres, restent des figurants d’importance plus ou moins marquée. François Hollande, uniquement motivé par des considérations électoralistes franchouillardes, a adopté la position qui lui est chère, celle du juste milieu censée ne fâcher personne abandonnant de fait, sans état d’âme, le leadership européen à la chancelière allemande.

Pendant ce temps -là, moins exposée aux feux de la rampe, se joue une autre partie aux conséquences sans doute plus déterminantes pour l’équilibre si menacé de notre Monde. L’enjeu nucléaire iranien et les répercussions d’un éventuel accord changeront fondamentalement un contexte conflictuel, aux rapports de force figés depuis plus de 30 ans par un embargo mortifère pour le pays des Mollah. Comme à Cuba, Barack Obama, en cette fin de mandat si difficile pour lui, a besoin d’aboutir coûte que coûte s’il veut laisser une trace positive dans l’histoire des Etats-Unis. Ce que ses alliés, au premier rang desquels Israël et les pays du Golfe savent et redoutent. Ce que n’ignorent pas non plus les diplomates iraniens, impitoyables et redoutables négociateurs, prêts à tout pour tirer le meilleur parti du Grand Satan.

John Kerry et ses interlocuteurs iraniens sont sans doute moins « sexy » que les acteurs de la crise européenne. L’issue de la partition en cours d’exécution dessinera pourtant une nouvelle configuration géopolitique, stratégique et économique, aux effets encore inappréciables bien au-delà des limites de cette région en crise.

L’Aigre Doux


*** Attention ce texte est une TRIBUNE LIBRE qui n’engage que son auteur ***

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